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les appréciations ; l’ordre dans le pays. » Un patriotisme sans esprit exclusif et sans arrière-pensée de parti, s’attestant moins par des paroles et d’emphatiques déclamations que par des faits et des sacrifices. Un concours sincère prêté au gouvernement dans les limites de l’accord fait à Bordeaux et confirmé à Versailles. Que faut-il de plus ?

À mesure qu’on tourne dans ce cercle d’évolutions parlementaires d’où se dégagent de temps à autre ces manifestations significatives, une chose nous frappe. Il y a dans l’assemblée un centre gauche, un centre droit, sans parler de la droite et de la gauche, d’une extrême gauche et d’une extrême droite et des pointus ou des irréguliers de toutes les nuances. Or, en laissant de côté les partis extrêmes qui ne peuvent s’entendre avec personne et qui ne s’entendent pas toujours avec eux-mêmes, en ne prenant que ces groupes moyens qui constituent le noyau solide de l’assemblée, qui sont comme les masses d’infanterie dans les batailles, quels sont donc les points si graves de dissidence qui pourraient empêcher la formation d’une majorité liée par des habitudes d’action commune ? Entre le centre droit et le centre gauche où sont les incompatibilités absolues, les divergences inconciliables ? Le centre droit veut réserver la constitution définitive de la France, le centre gauche, représenté par le général Chanzy, n’entend nullement engager l’avenir ; tout ce qu’il dit, et ce que personne ne peut contester, c’est qu’on ne peut pas véritablement demander au régime actuel de conduire les affaires en dépit du bon sens, à cette unique fin de bien montrer que la république est impossible. Le centre droit veut maintenir toutes les garanties conservatrices, le général Chanzy les revendique avec une égale force. Le nouveau chef du centre gauche croit qu’il faut soutenir le gouvernement, le centre droit ne se propose assurément pas de le renverser. Les uns et les autres veulent que, sans perdre plus de temps, on mette la main à la réorganisation du pays par des institutions libérales, qu’on fasse justice, s’il y a eu des coupables, qu’on punisse les dilapidations, s’il y a eu des dilapidations, qu’on rétablisse dans toutes les sphères l’ordre, l’honnêteté, la discipline morale sous l’empire d’un contrôle sévère exercé à tous les degrés.

Puisqu’il en est ainsi, puisque sur tant de points essentiels les uns et les autres veulent les mêmes choses, avec les mêmes réserves de tout ce qui divise, pourquoi ne s’entendrait-on pas ? Cette majorité, elle existe sans doute implicitement, elle s’est montrée dans toutes les circonstances difficiles, elle se retrouvera toujours au moindre danger ; seulement elle n’a pas autant qu’il le faudrait le caractère d’un fait permanent, palpable aux yeux du pays ; elle est pour ainsi dire à reconquérir tous les jours, tandis que si elle s’avouait hautement, si elle s’attestait par une certaine suite d’actes et de desseins, elle serait par le seul fait de son existence la plus puissante de toutes les garanties contre tout imprévu, Qu’on se laisse donc aller une bonne fois à cette influence