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par un affranchi de la famille, Milyas, sorte de contre-maître qui, n’ayant point de responsabilité légale, ne présentait aucune garantie. Plus tard, pour toute cette période, il ne porta en compte que de prétendus déboursés, 5 mines, comme si pendant ce temps l’atelier n’avait pas produit une drachme de revenu. Vint ensuite un assez long chômage, puis Thérippide se chargea de surveiller l’exploitation. Sa gestion fut moins désastreuse ; Démosthène prétend pourtant que l’affaire, toute réduite et tombée qu’elle fût déjà, aurait encore pu rapporter plus qu’il ne lui fit rendre, ou du moins plus qu’il ne déclara.

Quant à la fabrique de sièges, elle fut encore plus sacrifiée. Les vingt ouvriers qu’elle occupait n’étaient pas la propriété de Démosthène le père ; ils appartenaient à un certain Mœriadès, qui les lui avait livrés en nantissement, afin de le couvrir d’un prêt de 40 mines. Engagés pour cette somme, ils rapportaient au créancier qui les utilisait 12 mines par an, c’est-à-dire environ 30 pour 100 de leur valeur. Ces esclaves, Aphobos les prit chez lui ; il prêta encore, sur ce même gage, 5 mines à Mœriadès, et sans doute il employa ces ouvriers à travailler pour son propre compte. Quant à l’ivoire qu’il trouva en magasin, il s’était hâté de le vendre, et, — c’est ce dont déposeront plus tard des témoins, — il en avait tiré plus d’un talent. Le reste du matériel, les esclaves mêmes, il n’y en avait plus trace à la fin de la tutelle, sans qu’Aphobos portât comme remboursée la dette qu’ils représentaient, sans qu’il exhibât la somme ou justifiât d’un remploi.

C’est ainsi que d’année en année, entre les mains de ces habiles gens, s’en allait pièce à pièce, s’émiettait et s’évanouissait cette fortune, qui paraissait naguère une des mieux assises et des plus solides qu’il y eût à Athènes. Tout ce gaspillage ou plutôt tout ce pillage ne pouvait manquer de finir par attirer l’attention. Les voisins, les amis firent leurs réflexions ; un oncle par alliance des orphelins, le mari de la sœur de leur mère, Démocharès, citoyen honnête et considéré, adressa aux tuteurs quelques observations qui furent mal reçues ou qui tout au moins ne furent suivies d’aucun effet. Il ne s’en exprima qu’avec plus de vivacité sur le compte de ceux qui ruinaient ainsi son neveu et sa nièce. Ces bruits, ces accusations arrivèrent jusqu’au magistrat qui, comme nous l’avons dit, était chargé de veiller au nom de la cité sur les orphelins ; on en parla autour du tribunal de l’archonte.

Alors il eût peut-être été temps encore de sauver une partie de la fortune. L’archonte ne prenait guère, quoiqu’il en eût le droit, l’initiative des poursuites ; mais, pour l’aider à remplir son devoir, la loi avait fait appel à toutes les bonnes volontés. Le premier citoyen venu pouvait intenter une action au profit de