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LA HONGRIE
ET
LES PARTIS DEPUIS LA GUERRE


I

Parmi les peuples qui, sans être mêlés à notre guerre contre l’Allemagne et à nos discordes civiles, ont assisté avec le plus d’émotion aux péripéties de la lutte, les Magyars peuvent être cités au premier rang. Ils suivaient avec une attention qui n’était pas absolument désintéressée cette longue série de désastres dont le contre-coup ébranle aujourd’hui, par des secousses plus graves à chaque fois, l’édifice du dualisme péniblement construit, il y a cinq ans, par M. de Beust et par le parti Deák-Andrassy. Ce peuple, doué d’une remarquable intuition politique, avait compris, dès que la guerre eut été déclarée, que de grands changemens en résulteraient pour la constitution internationale de l’Europe. Il s’était posé, avec une anxiété facile à comprendre, cette question vitale : qu’adviendra-t-il de nous, de notre progrès intérieur, de notre indépendance nationale ? Une histoire séculaire et tragique, pleine de déceptions encore plus que de désespoirs, a fait à cette nation, lorsque s’annonce la tempête, du recueillement un devoir et de la prudence une nécessité.

Les sympathies n’étaient pas douteuses. Il est peu de Hongrois qui n’aiment avec passion la France et les Français. De toutes les littératures étrangères, la littérature française est celle qu’ils goûtent le plus, à laquelle ils reviennent de préférence pour la lire, pour la traduire, pour la critiquer. Les esprits les plus avancés ont une prédilection pour le génie violent de nos écrivains révolutionnaires, les plus modérés admirent le bon goût, la tradition austère,