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M. Ghyczy, à l’éloquence pleine, abondante et sonore, au visage franc où respire une sorte de loyauté militaire. Il rappelle ces députés des anciennes diètes hongroises qui délibéraient sous leur brillant costume de hussard, et qui conservaient même dans les discussions je ne sais quelle vivacité et quelle aisance cavalière. Le romancier Jokai appartient aussi à cette fraction puissante de l’opposition. Il en faudrait nommer bien d’autres en parcourant ces camps si différens et mortellement hostiles, mais où ne manquent ni l’honnêteté ni le talent. Le mot d’ordre de ce centre gauche est aujourd’hui : indépendance absolue de la Hongrie, plus de dualisme, plus de ministère commun pour les affaires étrangères, la guerre et les finances, union personnelle pure et simple. Si ce programme réussissait, la puissance autrichienne serait brisée, car, l’armée hongroise n’ayant plus rien à démêler avec l’état-major autrichien, ni l’armée autrichienne avec l’état-major hongrois, l’Autriche-Hongrie ne pourrait plus ni entreprendre ni soutenir la guerre sans s’exposer à des désastres presque inévitables ; on peut même dire qu’aucune négociation diplomatique ne pourrait être suivie sérieusement, puisque l’ambassadeur autrichien et l’ambassadeur hongrois tiendraient un langage différent et ne pourraient jamais se concerter. Et pourtant ce projet si radical paraît timide à l’opposition extrême ; elle trouve le centre gauche beaucoup trop royaliste, beaucoup trop aristocrate, et elle a raison jusqu’à un certain point, si on considère que les députés qui reconnaissent pour chef M. Tisza appartiennent pour la plupart à des familles considérables, et ne, songent nullement à changer la forme monarchique du gouvernement. Mais enfin ce parti avancé, que veut-il ?

L’extrême gauche a pris récemment un titre on ne peut plus significatif, celui de parti quarante-huit. Encore un effort de franchise, et elle s’appellera parti quarante-neuf, ce qui voudra dire déchéance de la maison de Habsbourg. Du reste, si cette déchéance n’a été proclamée qu’en avril 1849, elle était contenue en germe dans les votations de l’année précédente, et le chiffre 48 a toute la netteté possible. De même il est chaque jour plus évident que le vrai chef du parti est un absent, Kossuth, l’irréconciliable, la « bouche qui dit non » à toutes les tentatives d’arrangement avec l’Autriche. Les autres chefs ne sont que ses lieutenans, orateurs fougueux et amers, M. Irányi surtout, qui, après une longue proscription, a rapporté dans sa patrie, avec la sincérité du martyr, toutes les passions de l’exil.

Parmi leurs exigences, il en est une sur laquelle ils insistent beaucoup : la suppression de la chambre haute, de la table des magnats (förendek), où siègent, comme en Angleterre à la chambre