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aller quelquefois à d’apparentes incohérences ou aux contradictions tumultueuses, mais qui, placée en présence d’un péril, en face d’une situation simple, se retrouve tout naturellement ce qu’elle est, — sincère, patriote, libérale d’instinct, sensible au bien public, n’ayant pas plus de goût pour les coups d’état révolutionnaires que pour les coups d’état du césarisme. Ainsi est l’assemblée dans ses bons jours, image de la nation plus encore qu’on ne le croit, représentation vivante de la France avec ses excentriques dans les camps opposés, et avec cette masse loyale, sensée, qui maintient tout au centre sans pouvoir quelquefois tout empêcher. Cette assemblée, elle a encore cela de commun avec le pays qu’elle est facile à conduire, pourvu qu’on ménage ses susceptibilités, et au fond elle ne demande pas mieux que d’appuyer le gouvernement, de partager avec lui cette souveraineté dont elle est la première et inviolable dépositaire. Elle se prête sans effort à toutes les concessions pour arriver à cette union qu’elle désire, parce qu’elle sent que là est la vraie sécurité, parce qu’elle comprend que ce n’est pas le moment de se jeter dans les expériences et dans les aventures. L’assemblée et le gouvernement marchant ensemble, se mettant d’accord sur les grandes questions de réorganisation nationale, tout n’est pas fait sans doute, mais tout est en bonne voie. La paix publique est garantie, la France reste libre, et on peut mettre la main à l’œuvre. On n’est point à l’abri des incidens, surtout des incidens de discussion, on est à l’abri des événemens et des surprises. Les situations se simplifient, et c’est dans ces conditions, c’est sous ces auspices d’un accord patriotique établi entre l’assemblée et le gouvernement qu’on vient d’aborder enfin l’examen de la loi de réorganisation militaire, ou plutôt de recrutement, car c’est là le point de départ de la reconstitution de notre armée dans les circonstances actuelles.

Cette loi, on le sait, a été longuement, laborieusement préparée par une commission de quarante-cinq membres de l’assemblée choisis parmi les hommes les plus éminens, les mieux faits pour traiter de telles questions. Elle a été récemment expliquée et commentée par un remarquable rapport de M. de Chasseloup-Laubat. Toute la difficulté était, à dire vrai, dans la divergence qui s’était élevée entre la commission et le gouvernement au sujet du principe du service personnel obligatoire. Dès que cette divergence avait cessé d’exister, dès que la loi se présentait avec la garantie de la préparation la plus consciencieuse, d’un accord désormais complet entre la commission et le gouvernement, était-il absolument nécessaire d’entrer dans une discussion prolongée qui, en ouvrant une issue aux diversions inopportunes, peut-être aux passions et aux récriminations, pouvait avoir de sérieux inconvéniens ? Ne valait-il pas mieux faire le sacrifice de quelques discours et aborder simplement la question pour la trancher par un vote aussi unanime que possible ? Le général Chanzy en a fait l’observation avec