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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/713

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l’institution, il est dans l’abus ; qu’on réprime l’abus, et l’institution reprendra sa valeur, sans être en aucune façon, comme on le dit, un instrument de corruption, en restant au contraire un gage de généreuse émulation.

On ne fera pas une armée parce qu’on aura supprimé la Légion d’honneur ; on aura peut-être commencé de la faire ou de la refaire en adoptant définitivement ce principe du service obligatoire, qui ne rencontre plus d’opposition, et que le général Trochu a été un des premiers à préconiser. Aujourd’hui la discussion de la loi est assez avancée pour qu’il n’y ait même plus un doute : le service personnel obligatoire peut être considéré désormais comme le principe de notre organisation militaire, il ne reste qu’à l’appliquer et à le régulariser. C’est un progrès conquis ; mais, qu’on ne s’y trompe pas, la vertu régénératrice n’est pas dans le mot. Toute la question est de savoir ce qu’on fera de ce service obligatoire, tout comme de l’instruction obligatoire, à laquelle il faudra bien aussi arriver. Le service militaire obligatoire n’est un progrès qu’avec l’introduction d’un esprit nouveau de devoir et d’abnégation patriotique, avec le maintien d’une forte et sévère discipline. Sans cela, ce ne serait qu’un moyen d’étendre à la société tout entière et sous les formes les plus redoutables la confusion et l’anarchie, en achevant la décomposition de la puissance militaire de la France. De même, si l’instruction obligatoire ne servait qu’à enseigner aux générations nouvelles les doctrines matérialistes et athées, elle ne ferait que précipiter la décadence du pays. En d’autres termes, instruction obligatoire et service obligatoire ne sont que des moyens ; ce qu’il faut avant tout, c’est la sève morale pour nous rendre des générations dévouées et intelligentes, formées à l’amour de la patrie, au respect des lois, à la dignité de l’esprit et des mœurs. À ce prix seulement, la France peut sortir rajeunie et retrempée des épreuves où elle a failli succomber, et qui n’auront été pour elle qu’un avertissement salutaire, un généreux et tout-puissant aiguillon.

Il y a un mot qui est revenu quelquefois dans la discussion de la loi militaire et qu’on adressait à ceux qui prêchaient l’indiscipline : voulez-vous établir en France le régime des pronunciamientos ? C’est par malheur depuis longtemps le régime de l’Espagne, qui ne s’en trouve pas assez bien pour qu’on soit tenté de l’imiter. Où en est aujourd’hui l’insurrection carliste au-delà des Pyrénées ? Elle n’est point entièrement vaincue, c’est bien évident ; elle court les chemins, et même à travers l’obscurité des dépêches officielles on distingue qu’elle s’est montrée dans des provinces qu’on ne croyait point envahies. Somme toute cependant, le principal foyer semble s’éteindre par degrés. Dans le nord, les bandes se dispersent ou se soumettent, et, pour en finir, le général Serrano n’a cru pouvoir mieux faire que de promulguer une amnistie assez étrange,