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gouvernement anglais croyait avoir résolu la difficulté en subventionnant toutes les écoles, de même que le premier empire s’imaginait avoir tranché la question religieuse en subventionnant tous les cultes. Les non-conformists soutinrent que c’était au contraire le moyen de raviver les haines et les rivalités entre les sectes : à les entendre, il fallait entrer dans une tout autre voie. Le moment était venu, suivant eux, d’éloigner de l’école ce qui divise les hommes et de n’y enseigner que ce qui les rapproche. Tout le monde croit aux lettres de l’alphabet, à l’arithmétique, à l’histoire naturelle : que tout le monde soit contraint de payer pour la diffusion de connaissances dont nul ne conteste la réalité ! L’état doit se borner à faire ce qui est de sa compétence ; or ce qu’il peut faire sans entreprendre sur les droits de la conscience est de donner à tous une éducation scientifique et littéraire, abandonnant la religion aux soins et au zèle des diverses congrégations religieuses. Les Anglais ont l’esprit positif : ils aiment sans doute ce qui rend l’homme meilleur ; mais ils recherchent surtout ce qui le rend utile. La piété ne donne point les moyens de gagner sa vie. C’est une valeur qui n’est point cotée sur le marché du travail. Le plus dévot des maîtres de fabrique paie ses ouvriers non pour leurs bons sentimens, mais selon l’adresse et l’intelligence dont ils donnent des preuves dans leur métier. L’état est donc tenu de propager l’instruction, mais une instruction productive d’utilité, et la seule qui rentre vraiment dans ces conditions est le système laïque. L’éducation théologique sera donnée à part soit par les ministres des différens cultes, soit par des associations volontaires, selon le désir des parens. Il est de l’intérêt de la société que l’enseignement laïque soit distribué par ordre et l’enseignement religieux par choix. Nos voisins accusent même le système de compression cléricale de tourner le dos au but qu’il voudrait atteindre. Quelles sont les deux nations les plus religieuses dans le monde ? Les États-Unis d’Amérique et la Hollande, précisément celles où l’école est entièrement dégagée de l’église. Les non-conformists d’Angleterre qui réclament le divorce entre l’enseignement laïque et l’enseignement ecclésiastique ne sont-ils point de fermes et austères croyans ? Il y a mieux, un chapelain ordinaire de la reine, le révérend F. Barham Zincke, vicaire de Wherstead, Suflolk, invoque l’exemple de la France à l’appui des doctrines de la ligue. En France, selon lui, nous sommes des incrédules, et ce manque de foi tiendrait à ce que l’éducation est en grande partie chez nous entre les mains du clergé ou des congrégations religieuses.

On pense bien que de leur côté les partisans de l’ancien système d’éducation disputaient le terrain aux novateurs. Le 9 mars, une