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bas la Bible, Bible or no Bible[1] ! » D’un autre côté, le vote accumulé amena des conséquences imprévues. Le législateur avait voulu que les minorités fussent représentées ; dans beaucoup de centres industriels et commerciaux, ce furent elles qui remportèrent, A Manchester, le parti le moins nombreux, en concentrant tous ses suffrages sur huit ou neuf candidats au lieu de quinze, réussit à s’assurer la victoire. A Birmingham, grâce au cumulative vote, la minorité gouverne la majorité ; pendant trois années, l’église établie sera autorisée à lever des contributions sur toutes les autres sectes religieuses et à employer ces subsides au bénéfice de ses propres écoles. Dans les campagnes, le clergé, qui tient à conserver le monopole de l’enseignement (et il serait injuste de lui en faire un reproche), s’oppose à la formation des school boards. Il est dans la nature des choses que la foi cherche à gagner des prosélytes ? or les anciennes écoles sont les pépinières de l’orthodoxie protestante. Ce qui a certes lieu d’étonner est l’alliance des anglicans ; et des catholiques : on se demande comment deux églises dont l’une déclare l’autre la personnification de l’antéchrist s’entendent pour repousser l’immixtion de l’élément laïque dans les écoles primaires ; mais il faut se souvenir que toutes deux défendent le principe d’autorité religieuse. Les adversaires des school boards trouvent d’ailleurs un appui chez les petits boutiquiers, qui ne veillent point payer de nouvelles contributions, parmi les fermiers, qui s’imaginent que l’éducation rendrait les enfans impropres aux travaux de la terre, et surtout dans la masse ignorante, qui se figure que la taxe pour les écoles ferait hausser les prix des loyers et baisser les salaires. De telles appréhensions sont puériles et chimériques ; mais il faut que les obstacles soient bien réels, car le ministre, M. Forster, la dernière fois qu’il déposait devant la chambre des documens statistiques, avouait que 96 sur 200 bourgs, et 172 sur 14,000 paroisses environ, s’étaient pourvus de school boards. De tels succès ne sont point de nature à inspirer une très grande confiance dans l’efficacité de la loi. On avait pu croire dans les commencemens que toutes les écoles fondées sous l’influence de l’esprit sectaire seraient un jour absorbées par le nouveau système ; mais combien faudrait-il d’années pour que l’Angleterre atteignit par cette voie une méthode d’enseignement en harmonie avec la raison

  1. Ce livre, adopté en Angleterre par toutes les sectes chrétiennes, donne lieu à plus d’un genre de contestation. La Bible doit-elle être lue dans les écoles ? Lord John Russell, qui se rallie d’ailleurs aux principes de la ligne, propose qu’elle soit lue sans note et sans commentaire, de telle sorte que l’adolescent arrivé à l’âge de seize ans puisse se faire à lui-même une conviction religieuse. D’autres voudraient, quoi cette lecture se fit uniquement dans les chapelles et les églises.