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luxe national. Elle ne négligea presque aucune des satisfactions que l’état réserve aux besoins les plus élevés et les plus raffinés. En même temps qu’elle se montrait créatrice en ce genre ou qu’elle se livrait à des essais de réformes quant à certaines parties du luxe public, avec un succès d’ailleurs inégal, elle supprimait d’une main brutale, on ne le sait que trop, certains établissemens, elle ravageait les monumens qui rappelaient les plus grands souvenirs du luxe public de l’ancien régime. Elle était violemment destructive en un mot. Elle l’était même à ce point que la postérité, accusée aujourd’hui d’ingratitude par les écrivains qui aiment à relever les mérites de la révolution, a un peu oublié ce qu’elle a pu faire ou tenté de grand et d’utile, pour ne se souvenir que du mal.

La vérité est que le bien et le mal subsistent l’un et l’autre ; dans quelle proportion ? c’est une question à examiner. On ne recherche guère en général en quoi au juste ces ravages d’une part et de l’autre ces créations ou ces essais consistèrent. Quand on n’est pas tout à fait dans le faux, on s’en tient volontiers à des à-peu-près. Arriver sur ce point à la précision historique est une tâche qui nous tenterait, nous l’avouons, quand bien même nous ne nous proposerions pas d’autre but. Il s’attache toujours de l’intérêt à l’exactitude, même quand il s’agit de choses qui n’ont qu’une simple valeur de spéculation ou de curiosité, à plus forte raison lorsqu’il s’agit d’ôter un peu de terrain à ces assertions vagues dont abuse en sens divers l’esprit de parti. Nous ne manquons pas heureusement de documens qui permettent à l’examen de trouver une base solide. Quant aux jugemens, ils abondent : aussi bien c’est toujours chez nous ce qui manque le moins. Il faut savoir gré aux écrivains qui se sont occupés de la révolution depuis quelques années d’avoir porté leur attention sur un sujet d’un intérêt si général. De quelque façon qu’on juge au point de vue politique et sous le rapport de l’appréciation historique les récits que M. Michelet et M. Louis Blanc ont consacrés à la révolution française, on doit reconnaître que ce coin du tableau prend avec eux un nouveau relief. Si, relativement aux ruines et aux dévastations, ils n’entrent pas toujours dans de très amples détails, ils s’attachent à décrire, à montrer les côtés civilisateurs de la révolution sous le rapport des arts comme des sciences. Ils le font avec l’accent enthousiaste qu’on peut attendre d’écrivains aussi favorables à la révolution française, et avec une vivacité de couleurs qui s’imprime fortement dans le souvenir. Ces tableaux, tracés avec un incontestable talent, ne sont-ils pas un peu idéalisés ? Les auteurs n’oublient-ils pas un peu trop, ou ne relèguent-ils pas trop dans l’ombre ce qui fait tache,