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les sciences, pour les progrès de la philosophie, ce que les arts, la science et la philosophie ont fait pour amener le règne de la liberté : ce sont aussi des créanciers de la révolution, et pour qui la révolution doit tout faire. Les ténèbres sont une servitude. »

Cette commission devait rendre en effet de très réels services. Elle arracha quantité d’œuvres d’art à la destruction. On lui doit aussi une instruction remarquable rédigée dès les premiers jours de 1794, œuvre principalement de Vicq-d’Azir et de dom Poirier, sur la manière d’inventorier et de conserver, dans toute l’étendue de la république, tous les objets qui peuvent servir aux arts, aux sciences et à l’enseignement. Les indications exactes sur les moyens de sauver de la dégradation les tableaux, gravures, statues, objets de physique, livres, etc., y sont multipliées, classées de manière à former un traité complet. L’envoi de cette pièce patriotique et savante fut fait aux agens nationaux et aux sociétés populaires. Il est permis de garder des doutes sur leur volonté constante et sur leur pouvoir de respecter et de faire exécuter ces prescriptions salutaires. Le succès des efforts de la commission resta très limité, tout le démontre. Comment d’ailleurs, au milieu de tant de préoccupations ardentes et de soins absorbans, faire ce qu’il n’eût pas été facile d’accomplir en des temps plus calmes, c’est-à-dire improviser l’ordre dans des dépôts énormes, entassés à la hâte ? Quant à suspendre les coups de la hache populaire, cela était-il au pouvoir d’une commission ? En fait, les pertes, les détournemens ne cessent pas. Les destructions violentes continuent pendant les six premiers mois de 1794. Elles persistent dans plusieurs provinces même après le 9 thermidor. Le premier rapport de l’abbé Grégoire, lu un mois après cette date fameuse, a pour titre le Vandalisme et les moyens de le réprimer. Il en parle comme d’un mal encore existant et même dans toute sa force.

Voilà quelles furent les mesures prises. La convention les adopta ; les soutint-elle avec une énergie suffisante ? Quoi qu’il en soit, les dégradations et les pertes sont telles qu’il y a bien de l’illusion à vouloir atténuer aujourd’hui la portée du terme de vandalisme révolutionnaire. C’est par trop aussi oublier la notoriété publique. Quoi qu’on puisse dire, la mémoire de ces dévastations est vivante encore. La pierre en garde le stigmate. La façade, l’intérieur des monumens mutilés, en portent témoignage dans presque toutes les localités. Quel commentaire plus irréfragable de tant de rapports écrits ? Quelle réfutation plus concluante de trop indulgens plaidoyers ? Et à quoi sert-il d’alléguer que de pareils exemples auraient été légués par le passé, précédens qui ne seraient pas des excuses, alors même qu’ils ne reposeraient pas sur de trompeuses