Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/825

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

saurait être pris pour un ennemi des lettres ; cet adversaire de l’hébertisme, qui protestait contre les scènes impies dont la convention était le théâtre, n’était pas un partisan des profanations et du pillage des églises ; ce héros de fêtes pompeuses dont il était le prêtre et le dieu n’était pas le systématique adversaire du luxe public. Justice à chacun, même à Robespierre, puisque le parti thermidorien a trouvé moyen de calomnier même Robespierre. C’est le tort des partis vainqueurs de croire que les crimes réels ne suffisent pas, s’ils n’en ajoutent d’imaginaires. Le parti victorieux paraissait craindre que la mémoire du tyran tombé ne restât pas écrasée sous d’assez sûrs et d’assez terribles griefs. C’est une crainte que nous n’avons plus, et cela doit nous rendre du moins l’impartialité facile.

Le coupable, il faut le redire quand on a jeté un coup d’œil sur ces tristes excès, ce n’est personne et c’est tout le monde, ce n’est aucun parti et ce sont tous les partis qui encouragèrent de leurs paroles enflammées ou de leur faiblesse devant la foule, des passions qui ne sont pas seulement celles d’un temps, mais qui couvent au fond de toutes les sociétés humaines, même alors que les révolutions ne les agitent pas. L’auteur direct, immédiat, du vandalisme, pour l’appeler par son nom, c’est la démagogie, fléau de la civilisation comme de la liberté, qui se modifie, mais ne meurt pas. Elle ne quitte la hache que pour saisir la torche. 1793, ce que personne n’eût pu croire, revit par certains côtés, en 1871. Les monumens sont proscrits par des passions à quelques égards différentes, mais non moins destructives, et armées de procédés plus savans et plus rapides. À l’époque révolutionnaire, l’homme démolit à ciel ouvert et sans se cacher derrière l’élément irresponsable. L’outil est simple comme la pensée, et ne va ni au-delà ni en-deçà de ce qu’elle a résolu. Jeu terrible, jeu où l’homme s’anime, s’exalte, où la destruction pour elle-même finit par tenir plus de place que la haine de ce qu’on détruit, et où l’on continue à frapper sans pouvoir s’arrêter par cette raison surtout qu’on a commencé à frapper !

À ces ennemis farouches du luxe public, qui en attaquent tous les monumens par le fer et le feu, se joint enfin un autre ennemi d’une nature toute différente, prudent et habile, qu’on a vu se glisser déjà dans les ventes, s’introduire dans les dépôts, tour à tour rusé ou hardi, c’est la spéculation sans scrupule. La révolution n’était pas terminée, et la spéculation déjà organisait la bande noire. Nous ne confondons pas cette spéculation, après tout légitime, en elle-même, mais parfois peu scrupuleuse, avec le vandalisme. La bande noire eut pourtant plusieurs de ses effets, et acheva son œuvre. On la vit, ou plutôt on vit ces bandes noires répandues, partout, pendant près de quarante ans, agissant au grand jour, achetant les