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LE SALON DE 1872




I. — LA PEINTURE.





Il est d’usage, à chaque nouveau Salon, de s’apitoyer sur la décadence et sur la médiocrité de l’art moderne en général et de l’art français en particulier. Cette année pourtant les plus pessimistes ne peuvent s’empêcher d’éprouver une certaine surprise en parcourant l’exposition des beaux-arts. Si jamais il doit y avoir des excuses pour la faiblesse ou pour la stérilité des artistes, c’est bien après les deux funestes années que nous venons de traverser. Il y a quelques mois, on pouvait croire que nous allions retourner à la barbarie. Quand, au lendemain de nos défaites, un ramassis de brigands de tous les pays s’abattait sur notre capitale, et que l’ennemi, campé sur nos collines, chantait victoire à la vue de nos monumens en flammes, nous avons pu désespérer un instant de l’art français, comme de la société française ; mais, Dieu merci, notre civilisation répare ses ruines presque aussi vite qu’elles ont été faites. Quelques semaines après la guerre, l’industrie française figurait avec honneur à l’exposition de Londres, et aujourd’hui, en comptant nos richesses, nous pouvons entièrement nous rassurer. Si quelques-uns de nos chefs-d’œuvre ont péri, nous ne sommes pas encore incapables de travailler à les refaire.

Nous devons le constater avec fierté en face des nations étrangères, quoiqu’elles nous traitent volontiers d’histrions et d’amuseurs à gages, Paris est encore la capitale de l’art, et, comme dans le temps où nous sommes les affaires s’emparent de tout, il est devenu pour l’Europe le grand marché cosmopolite et pour ainsi dire la bourse de l’art. C’est maintenant pour la France une source de