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son nouveau représentant au sénat le mandat impératif de renverser la constitution de son pays.

La constitution, personne aux États-Unis ne l’attaque, bien que la plus simple logique révolutionnaire suffise à démontrer qu’un contrat passé en 1776 entre 3 millions d’Anglais campés sur un coin du littoral de l’Atlantique n’engage pas en 1872 leurs 30 millions d’héritiers, possesseurs de la moitié du globe. Il se trouve en effet que cette vieille charte, dont l’esprit peut être changé sans qu’il soit besoin d’en altérer la lettre, répond aux besoins politiques et sociaux du nouveau peuple américain, comme elle répondait à ceux des premiers colons anglais, et cela parce qu’elle consacre en principe les droits et les devoirs de tous devant la loi, la religion, l’instruction, en même temps qu’elle proscrit toute autorité révolutionnaire, personnelle ou collective.

Les rédacteurs du pacte fédéral étaient, comme leurs commet-tans, attachés aux institutions anglaises, les seules au XVIIIe siècle qui assurassent sans sous-entendu la sincérité du gouvernement du pays par le pays ; c’était pour défendre leur interprétation de la constitution contre celle qu’en avait faite la couronne qu’ils avaient combattu les troupes de George III. Après le succès, leur interprétation était restée la bonne, celle des ministres du roi était devenue la mauvaise : aussi supprimèrent-ils la royauté. Le clergé anglican avait persécuté les sectes dissidentes ; ils supprimèrent l’église officielle. Ils n’eurent pas à supprimer la noblesse, qui n’existait pas à l’état d’ordre politique chez eux ; basée sur le revenu des immeubles dans la vieille Angleterre, elle n’avait pas trouvé place dans cette société nouvelle, qui avait à se créer, au milieu d’inutiles richesses immobilières, une fortune mobilière. Les treize états étaient placés sous toutes les latitudes ; ils étaient peuplés, au sud, de planteurs, de légistes, d’hommes politiques, au nord, de commerçans, de manufacturiers, de fermiers : ici le travail blanc, là le travail noir, partout des intérêts antagonistes. Chaque état était souverain, chaque citoyen maintenait sa part de souveraineté individuelle. Il fallait une habileté et une sobriété excessives de rédaction pour fondre ces intérêts particuliers dans l’intérêt général, et faire voter dans la même urne le planteur et le laboureur, le manufacturier protectioniste et l’armateur libre échangiste. Ils firent une constitution d’ordre législatif, et, pour l’appliquer, un gouvernement aussi peu exécutif que possible. L’individu libre et souverain délégua par voie d’élection sa part de souveraineté aux mandataire, de son choix, qui, réunis aux mandataires élus par ses concitoyens des autres états, formèrent l’assemblée souveraine. Le congrès fut chargé d’exercer directement ou par délégation tous les actes de la souveraineté. Il délégua le pouvoir exécutif à un président éligible