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d’alliances, mais les alliances les gêneraient, car elles assignent un but à une entreprise commune, et le peuple américain ne veut se lier les mains en quoi que ce soit dans la voie de ses aspirations nationales. Quant à la politique intérieure, elle consiste, pour l’administration régnantes à mettre en œuvre l’idée sortie triomphante des dernières élections, et à mettre en place les hommes qui l’ont fait triompher. L’idée politique varie, et depuis Washington jusqu’au général Grant, les présidens qui ont successivement occupé le fauteuil présidentiel y ont été portés chacun par l’idée qui dominait au moment de leur élection. Ces idées ont fait place à d’autres idées plus neuves quand les partis qui les avaient lancées les ont trouvées trop usées pour les faire durer plus longtemps.

Étant donnés un gouvernement qui est tout le monde et personne, un président qui n’est que le porte-voix de la majorité, un ministère dont la liste lui est imposée, l’opposition en est réduite, pour se maintenir à l’état de parti, à entamer, au lendemain de l’élection présidentielle, contre la majorité au pouvoir une campagne électorale qu’elle poursuivra jusqu’au jour de la nouvelle élection, pour devenir à son tour majorité et élire son président. Cette élection entraîné le renouvellement intégral du personnel des administrations qui relèvent du gouvernement fédéral : postes, douanes, contributions, diplomatie, armée et marine, du moins quant aux employés civils de ces deux derniers départemens. C’est là l’opération que les Américains appellent « le partage des dépouilles, » ou plus brièvement « les dépouilles, » the spoils. Le pouvoir qui en dispose ne pouvant, comme chez nous, s’acquérir par la violence, c’est sur les manœuvres électorales que se rejettent les partis. Tout ce qui ne dépasse pas la limité extrême de la lettre de la loi rentre dans le domaine des agissemens tolérés. C’est une science dont l’auteur de l’École de la politique s’est fait l’éditeur pour en combattre les excès, et qu’il expose à son public par l’intermédiaire des politiciens émérites de Bâton-Rouge. Gammon, Lovedale et consorts veulent faire accepter à Randolph la candidature éventuelle de gouverneur pour l’état de la Louisiane, et voici les leçons qu’ils lui donnent.


« LE GOUVERNEUR. — Je vais proposer un toast qui sera cordialement accepté : à Jean Washington Randolph, notre futur gouverneur !

« RANDOLPH. — D’où vient cet honneur inespéré, auquel j’ai si peu de titres ?

« LE GOUVERNEUR. — Connaissant votre modestie et votre aversion pour la politique, nous avons tout arrangé sans vous en prévenir. L’élection vient dans six mois, il est nécessaire de tout préparer d’avance. Veuillez seulement nous donner pleine liberté d’agir en votre nom.

« RANDOLPH. — Messieurs, je vous suis reconnaissant de ce témoignage