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1870, à 41 millions en juin 1871, et à 39 millions après l’emploi en rentes autorisé pour l’emprunt du 23 juin 1871 ; il s’est réduit enfin à 37 millions le 31 décembre 1871, par un effet de l’épuisement général des ressources et par la reprise du travail, quand les petits commerçans et industriels ont dû faire face à leurs billets prorogés, à leurs termes de loyers et aux achats de matières premières ou de marchandises. Cet épuisement des dernières épargnes, aggravé par les impôts, s’est continué pendant les premiers mois de l’année courante. Voilà pour Paris. Que s’est-il passé dans le reste de la France ?

En juillet 1870, avant la guerre, le solde de toutes les caisses d’épargne de France, Paris compris, était de 720 millions, représentés par 500 millions placés en rentes et 220 millions en compte courant au trésor. Les caisses d’épargne départementales, moins heureuses que celle de Paris ou moins bien défendues par défaut d’une commission supérieure des caisses d’épargne de France auprès du gouvernement, subirent dans toute sa rigueur le décret du 17 septembre 1870 ; les déposans n’eurent droit qu’à 50 fr. par livret, une fois donnés, et pour le reste à des bons du trésor. Ce régime d’exception se prolongea jusqu’au 17 juillet 1871. Elles n’eurent d’adoucissement que par la loi du 21 juin 1871, qui, pour servir l’emprunt du 23 juin, offrit aux déposans une conversion avantageuse en rentes 5 pour 100 : 6ft millions furent ainsi convertis dans toute la France, Paris compris.

Le stock des caisses d’épargne de France était, en mars 1872, réduit à 526 millions, en diminution de 194 millions sur le stock d’avant la guerre : c’est pour les départemens une réduction de près d’un quart ; la réduction pour Paris est à peine d’un tiers, bien qu’à Paris le trésor ait offert pendant dix mois des à-comptes mensuels de 50 fr., capables d’épuiser presque tous les livrets. Ainsi les déposans de Paris, plus satisfaits des procédés du gouvernement, se sont montrés relativement plus discrets que les déposans des provinces dans leurs demandes de remboursement. Le système des remboursemens fractionnés et périodiques, pratiqué à Paris pendant la crise, a donc été une solution aussi heureuse pour le trésor que pour les déposans, aussi bonne pour le crédit de l’état que pour la popularité des caisses d’épargne. Voilà un précédent qui résout l’une des questions capitales de l’institution des caisses d’épargne : le remboursement en temps de crise. Cependant il faut nous l’avouer, ces mesures imprévues, ces décrets de remboursemens partiels, en droit strict, constituaient une violation du contrat inscrit dans la loi organique des caisses d’épargne à l’égard du déposant.

Il convient donc, pour l’avenir, que la loi organique contienne une clause accessoire portant que, dans les cas de force majeure, constatée par un décret du pouvoir exécutif après avis d’une commission générale des caisses d’épargne de France, l’état aura la faculté de rembourser les réclamans par des sommes partielles de 50 francs en espèces,