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REVUE DES DEUX MONDES.

ils proposeront sans doute des ordres du jour. En définitive, ils échoueront, ils ne changeront rien, c’est bien évident ; mais ces grands politiques, ces prévoyans patriotes auront une fois de plus obtenu ce résultat de témoigner leur mauvaise humeur contre l’Italie, de réveiller chez les Italiens cette pensée que, si l’assemblée pouvait, elle recommencerait quelque expédition de Rome, et M. de Bismarck ne pourra sûrement qu’applaudir à leurs efforts !

ch. de mazade.

REVUE MUSICALE.

Nous savions bien à quel sentiment nous obéissions en nous élevant contre cette espèce de pangermanisme musical qui nous déborde. Notre susceptibilité nationale n’a pas été du goût de tout le monde, les beaux esprits l’ont même assez agréablement raillée et les directeurs de concert n’en ont pas moins continué d’émailler leur programme de noms allemands, parmi lesquels il s’en trouvait un qui devait particulièrement offusquer le public français. C’était compter sans la force de l’opinion et vouloir aussi trop abuser de la patience des artistes ; l’exemple donné par les musiciens des « concerts populaires » à propos de cette malencontreuse ouverture de Rienzi n’est point à passer sous silence, et nous avons applaudi de tout cœur à cette unanime protestation d’une compagnie de braves gens contre la plus haineuse et la plus insupportable des personnalités anti-françaises. Nous n’empêchons point les artistes allemands d’avoir du patriotisme, mais nous demandons que de son côté notre public en ait quelque dose, et qu’il sache au besoin s’abstenir d’aller fêter de mauvaise musique sous prétexte que cette musique est l’œuvre d’un homme qui ne professe envers notre pays que dénigrement et rancune. Parmi tous ces compositeurs illustres auxquels nous prodiguons un si bénévole enthousiasme, aucun assurément n’aima la France outre mesure ; mais ne serait-ce point juste de distinguer aujourd’hui entre ceux qui, comme Beethoven et Mendelssohn, ont pu nous vouloir du mal sans nous en faire, et ceux qui, comme Weber et tel autre à sa suite, tout en nous en voulant nous en ont fait ?

On prétend que l’œuvre doit rester en dehors des sympathies ou des antipathies que son auteur nous inspire ; ne voit-on pas que l’homme, l’artiste, la nationalité, tout cela se tient ? L’homme est un être tellement conditionnel, qu’on ne se le figure même pas en dehors