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ni des idées suivies, ni des vues politiques précises, ni même la force de travail et d’application nécessaire pour l’immense pouvoir qu’il s’était attribué. Il s’engageait dans une affaire sans en prévoir les conséquences, et il s’arrêtait par lassitude sans savoir ce qui sortirait des complications qu’il avait créées. Aussi la plupart da ses entreprises restent-elles marquées de ce sceau des choses obscurément conçues et toujours inachevées. C’était un esprit chimérique, rêveur, agité de fantaisies conspiratrices même sur le trône et ne sachant trop ce qu’il voulait. Il n’a paru grand quelquefois que parce qu’il était à la tête de la France. Les bonapartistes assurent aujourd’hui que l’empereur est mort, mais que l’empire est vivant. C’est au contraire l’empire qui a été frappé par les derniers événemens, car enfin il est un souvenir qui revient invinciblement à l’esprit. De tous les gouvernemens qui se sont succédé depuis quatre-vingts ans, et il y en a eu beaucoup, l’empire seul a eu le cruel privilège d’attirer sur la France trois invasions. Au moins Napoléon Ier disparaissait-il en prodiguant encore les éclairs de génie dans une dernière lutte. Napoléon III a disparu sans lustre et sans gloire, laissant à l’armée les souvenirs d’un malheur immérité, à la France la cuisante amertume d’une mutilation nationale, avec toutes les difficultés d’une situation à refaire, d’une politique à retrouver dans des ruines.

Ces difficultés sont partout pour nous aujourd’hui ; elles naissent en grande partie de l’incohérence de cette politique impériale qui n’a su rien faire, rien achever, et qui nous laisse l’embarras de toutes les contradictions. L’empereur Napoléon III voulait-il jusqu’au bout l’unité de l’Italie ? Voulait-il maintenir le pouvoir temporel du pape ? On ne le sait plus en vérité. Toujours est-il que si cette politique, par la manière inconsistante et confuse dont elle a été pratiquée, n’a pas eu pour la France les résultats heureux qu’elle aurait pu avoir, elle a eu au-delà des Alpes une conséquence indestructible, l’avènement d’une nation qui a su conquérir sa fortune par sa constance, qui sait aujourd’hui mériter de la garder par son habile modération. Désormais tout est fini, l’Italie existe, elle est à Rome comme à Venise, le pouvoir temporel a disparu, et ce serait une singulière illusion de croire que par de la malveillance, par de la mauvaise humeur ou des taquineries, on peut changer ce qui est accompli.

Voilà ce qui doit bien entrer dans l’esprit de nos ambassadeurs qui vont à Rome représenter la France auprès du souverain pontife, résidant au Vatican, en même temps qu’un de nos ministres nous représente auprès du roi Victor-Emmanuel, qui est au Quirinal. M. de Bourgoing s’y est trompé, il s’est cru le représentant d’une autre politique, et il n’a fait qu’aggraver son erreur par une démission parfaitement irréfléchie qui pouvait mettre le gouvernement dans l’embarras, soit vis-à-vis de l’Italie, soit vis-à-vis des catholiques de l’assemblée, toujours prêts à