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condamnés comme on avait fait jusqu’alors de ceux que des infirmités ou des raisons particulières empêchaient d’envoyer aux colonies, c’est-à-dire de les mettre en liberté après l’expiration de la moitié ou du tiers de leur peine. Seulement, au lieu de leur accorder une libération définitive, le parlement voulut qu’on fît l’essai en Angleterre du système de libération conditionnelle usité dans les colonies. Pour l’avenir, il fut entendu qu’on ne condamnerait plus à la transportation que les criminels qui paraîtraient avoir mérité une réclusion d’au moins quatorze années ; les autres seraient condamnés à une peine nouvelle qu’on nomma servitude pénale, et dont la durée devait être en général plus courte que celle des anciens transportés. On conserva d’ailleurs sans y toucher la division de la peine en deux périodes, l’une d’isolement cellulaire pendant neuf mois, l’autre de travail en commun dans des ateliers publics. Rien n’était changé, si ce n’est que la transportation, à laquelle aboutissait autrefois tout le régime, était supprimée désormais dans la plupart des cas.

Le premier effet de ce changement fut de causer une vive irritation parmi les condamnés, qui se voyaient déçus dans leur espérance d’être transportés en Australie. Quant à l’opinion publique, elle s’attaqua surtout au nouveau mode de libération ; le mot de ticket of leave devint un objet d’effroi à ce point que le gouvernement fut obligé en 1855 de déclarer qu’il n’accorderait aucune réduction de peine aux condamnés à la servitude pénale. L’année suivante, une commission fut nommée par la chambre des communes pour étudier les résultats obtenus depuis 1853. On constata que le nombre des crimes en général n’avait pas augmenté ; mais il fut impossible de savoir quelle avait été, parmi les libérés provisoires, la proportion des récidives. Le gouvernement anglais avait fait de la loi de 1853, qui lui prescrivait de surveiller les libérés, une lettre morte. Comme le disait sir R. Mayne, directeur de la police de Londres, le hasard seul aidait à reconnaître parmi les individus condamnés d’anciens malfaiteurs libérés à titre conditionnel, car le premier soin de tout libéré était de détruire son ticket of leave pour éviter d’être reconnu.

Le principe même de la libération conditionnelle rencontra au sein du comité de 1856 des adversaires parmi lesquels on est surpris de trouver sir W. Crofton, directeur des prisons irlandaises, un des hommes qui ont le plus contribué dans la pratique à en démontrer les avantages. A ses yeux, les difficultés de la surveillance, sans laquelle la libération provisoire n’est en réalité qu’une libération pure et simple, étaient un obstacle à peu près insurmontable ; mais cette objection n’arrêta pas le comité de 1856, non plus que celui qui fut chargé en 1863 d’étudier de nouveau tout le système