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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 103.djvu/543

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quelques hommes animés du zèle de la charité avaient réalisé des prodiges de dévoûment. C’est ainsi qu’un simple particulier sans fortune, M. Nash, avait eu l’idée en 1848 de louer une chambre où il recevait deux ou trois libérés qu’il instruisait, et cherchait ensuite à placer chez des patrons. Bientôt il parvint à louer deux chambres, puis une maison tout entière. Un comité patronna la nouvelle institution et lui donna les moyens de loger jusqu’à cent libérés. Tous ceux qui entraient étaient soumis à une épreuve rigoureuse. Le règlement les condamnait à passer quinze jours dans la solitude et à n’avoir pour toute nourriture que du pain et de l’eau. Cependant on était obligé de refuser toutes les semaines jusqu’à soixante libérés, et parmi ces derniers s’est trouvé un individu du nom de Lévi Harwood, qui, deux ans après avoir vu sa demande rejetée, fut condamné à mort pour crime de vol et d’incendie. N’y a-t-il pas dans ce simple fait matière à de cruelles réflexions ?

En 1857 fut fondée à Londres, sous le titre de Dischargcd prisoners aid Society, une grande institution destinée à secourir les condamnés qui sortiraient des prisons du gouvernement. Cette société a servi de modèle à toutes celles qui ont été créées depuis cette époque. Elle a, dans l’espace de quatorze années, étendu son action bienfaisante sur 7,111 libérés. Le mécanisme est des plus simples : la société ne cherche pas à pénétrer dans les prisons, elle ne prend le condamné qu’à sa libération ; elle se charge de lui trouver du travail et de le surveiller jusqu’à l’expiration de sa peine. Pour remplir cette double tâche, la société a deux ou trois agens dont tout le temps est employé en démarches ou en visites, et qui reçoivent les instructions du secrétaire-général. Deux sources alimentent le budget de la société : ce sont d’abord les souscriptions volontaires ; leur chiffre ne dépasse guère 16,000 fr. par an, et à peine suffisent-elles à payer les frais de loyer et d’administration ; mais le gouvernement charge la société de distribuer aux libérés les sommes qu’il accorde à ces derniers à titre de libéralité au moment de leur sortie de prison. Le montant de ces gratifications, calculé d’après le temps que les détenus ont passé dans chaque classe à l’intérieur de la prison, ne peut en général être supérieur à 75 francs, et pour les détenus dont la conduite a été exemplaire à 150 francs. Autrefois la somme qu’un condamné pouvait recevoir au moment de sa libération était, comme chez nous, beaucoup plus élevée ; mais on a pensé, en 1864, qu’il y avait une véritable injustice à permettre à des hommes condamnés pour crimes d’économiser pendant leur séjour dans la prison une somme égale ou supérieure à celle que peut amasser dans le même temps un honnête ouvrier chargé de famille. En droit, le gouvernement n’est tenu de