Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 103.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grés sur les bords de la mer pendant les mois les plus chauds de l’été, et le plus souvent elle ne s’y abaisse pas au-dessous de 7, même au cœur de l’hiver. Les journées où le thermomètre monte au-dessus de 26 degrés et celles où il descend au-dessous de 10 sont véritablement exceptionnelles : aussi peut-on dire qu’il règne dans la région littorale un printemps perpétuel; mais c’est un printemps éminemment pluvieux pendant neuf mois de l’année. Le mode de construction et la distribution des habitations portent le cachet de ces conditions climatériques; aucune précaution ne paraît prise contre des chaleurs trop grandes ni contre des froids trop intenses. Il n’existe ni cheminée ni aucun autre moyen de chauffage ; la cuisine du pauvre se fait devant la porte lorsque le temps est beau, et au milieu même de l’habitation quand il pleut. Comme il n’existe pas de plafonds, la fumée sort non-seulement par les ouvertures normales de la maison, mais encore par les interstices des tuiles du toit.

En revanche, tout indique le soin extrême que l’on a pris pour se garantir de l’humidité. Dans les maisons de la classe aisée, les rez-de-chaussée sont délaissés comme lieu d’habitation. Ils servent d’écuries, de celliers, de magasins et aussi de boutiques dans les villes. Les pièces du premier étage sont vastes et bien aérées. Une demeure de médiocre apparence possède souvent un salon de 15 ou 20 mètres de long et large en proportion. Les papiers de tenture, que l’humidité détacherait promptement et couvrirait de moisissures, sont proscrits : les murs sont simplement blanchis à la chaux; les meubles compliqués et délicats, les placages, sont remplacés par des objets massifs et solides qui défient toutes les influences hygrométriques.

Bien que la chaleur de l’été soit toujours modérée, et que des brises rafraîchissantes soufflent sans cesse soit de la terre vers la mer, soit en sens inverse, néanmoins l’abondance de l’humidité répandue dans l’air augmente la fréquence et le danger des insolations. C’est sans doute un des motifs pour lesquels on a conservé l’usage des grillages en bois à mailles étroites, qui garnissent encore aujourd’hui la plupart des fenêtres et des balcons. Dans ces treillis peints en vert sont encadrés des volets carrés, construits de la même manière, qui peuvent être soulevés de bas en haut en tournant autour d’une charnière fixée au bord supérieur. Les femmes d’Angra passent une grande partie de la journée derrière ces châssis, accroupies sur des nattes, causant ou travaillant, et surtout guettant avec avidité du côté de la rue les occasions trop rares de satisfaire leur curiosité. Dès qu’un étranger chemine sur la voie, à l’instant les volets se soulèvent, le passant subit l’inspection féminine; puis, tout le long de son trajet, le bruit sec que font les châssis en re-