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de produire d’importans bénéfices. Chaque verger, chaque pièce de labour, entourée de rochers pittoresques, au milieu desquels verdoient encore des restes de la végétation primitive, ressemble à un fragment de jardin anglais. Cependant aucune des autres îles n’a été déboisée plus systématiquement ; les habitations les plus confortables sont environnées d’enclos dénudés et entourés de murs comme les préaux d’une prison. On voit que l’on s’est efforcé d’aplanir le terrain, et de détruire tout ce qui en faisait l’ornement. Le vandalisme de l’homme ne s’est arrêté que devant les difficultés insurmontables que la nature lui opposait. Le commerce est presque nul à Graciosa : la seule industrie est la fabrication de la brique, pour laquelle on emploie une argile rouge provenant de la décomposition de scories volcaniques.

Depuis que l’île est connue, aucun phénomène violent n’est venu en bouleverser quelque partie : aucune éruption de lave fondue, aucune projection de cendres n’y a porté la désolation ; aucun tremblement de terre même ne s’y est fait assez sentir pour produire des désastres appréciables. Une source d’eau chaude qui jaillit au pied de la haute falaise de Restinga, sur la côte sud-est, atteste seule l’activité persistante du foyer de chaleur à laquelle l’île tout entière doit son origine. Un chemin inégal conduit de Praya jusqu’à la source en suivant les sinuosités de la côte, tantôt franchissant des ravins que les eaux approfondissent chaque année, tantôt escaladant des talus de laves ou des amas ponceux. A la pointe de Restinga, on commence à descendre le long d’une pente rapide taillée dans un massif de ponce et d’obsidienne. On heurte sous ses pas des blocs noirâtres brillans qui retentissent comme des fragmens de poteries, et dont les cavités sont traversées de filamens vitreux. Près de la source, il s’est improvisé un hameau composé de chétives cabanes rangées sur les bords de la voie. Les baigneurs campent pour quelques jours dans ces abris en s’y installant le mieux possible. Avec des toiles, on fait des plafonds, des cloisons et des tentures. La rue sert de salon de conversation, et les provisions sont en grande partie mises en commun. La gaîté qui règne dans la réunion contribue peut-être autant que l’eau à la guérison des malades. Cependant cette eau doit posséder de puissantes propriétés thérapeutiques, car, pure, elle est sulfurée et fortement alcaline, et, mélangée comme elle l’est le plus souvent avec l’eau de la mer, qui envahit souterrainement la source aux heures de marée haute, elle unit les propriétés de l’eau de mer aux siennes propres. La température de cette eau dépasse parfois 50 degrés, et ne descend guère au-dessous de 30 dans les momens mêmes où elle est mélangée avec la plus forte proportion d’eau étrangère.