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II. — L’ÎLE DE PICO.

Le détroit qui sépare Pico de Fayal n’a que 2 milles de largeur. Dans cet intervalle, la mer est peu profonde ; un soulèvement du sol de 90 mètres mettrait à sec le fond du canal et réunirait les deux îles en une seule. Une grande barque fait chaque jour le trajet entre Horta et le point de Pico qui en est le plus rapproché. Après avoir côtoyé, à quelques centaines de mètres du rivage, les îlots de Magdalena, imposans débris d’un cône de tuf qui servent de refuge à des milliers d’oiseaux, on aborde sur une petite plage rocailleuse environnée de récifs. De blanches maisons de campagne s’élèvent aux environs du lieu de débarquement ; pendant l’hiver, elles sont inhabitées, mais elles se peuplent et s’animent durant l’été. Les familles d’Horta qui viennent y passer les mois les plus chauds de l’année et prendre les bains de mer assurent que le climat y est plus tempéré qu’à Fayal. Un autre avantage très apprécié est l’absence absolue de moustiques, tandis que de l’autre côté du canal ces insectes désagréables sont nombreux. Une telle différence est bien difficile à expliquer, car les deux îles sont également arides, la constitution du sol est à peu près la même, et la diversité de climat des régions côtières, si elle est réelle, ne paraît pas suffisante pour donner la raison de cette curieuse anomalie.

La grande merveille de Pico est le pic volcanique qui se dresse à la limite du tiers occidental de l’île. Pendant l’hiver, la cime est généralement couverte de neige, et la montagne environnée, à une hauteur de 1,200 à 1,800 mètres, par une épaisse couche de nuages. Cependant en 1867, lors de mon premier voyage aux Açores, le pic se trouvait à la fin de l’automne libre encore de son manteau hivernal. Pour en faire l’ascension, je me rendis dans la journée du 27 octobre à Area-Larga. Dirigé par les conseils obligeans du consul de France, M. R. Guerra, je partis la nuit suivante à deux heures du matin, en compagnie d’un robuste campagnard qui portait sur sa tête un panier chargé de provisions et d’instrumens de travail. Depuis le bord de la mer jusqu’à l’altitude de 400 ou 500 mètres, la pente du terrain est faible. Le chemin, pavé dans sa partie inférieure par de grandes dalles naturelles que forme la surface des coulées de lave, devient peu à peu rocailleux en même temps qu’il se rétrécit ; le long de ce trajet, il serpente au milieu d’enclos entourés de murs à sec qui, vus à la clarté de la. lune, donnent au paysage l’aspect lugubre et monotone d’un cimetière abandonné. Ces murailles ont été édifiées moins pour garantir les plantations contre l’action des vents que pour débarrasser le terrain