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l’euphraise à grandes fleurs, brillent au milieu d’un tapis de graminées, de carex et de fougères. Il est probable qu’autrefois toute cette zone était couverte d’une forêt d’arbustes qui ont disparu presque entièrement sous la serpe ; maintenant les seuls restes de cette végétation primitive sont des rangées de bruyères arborescentes qui ont été conservées pour fournir de l’ombrage aux bestiaux et leur servir de refuge contre la violence des vents. Les troupeaux errent en liberté au milieu de vastes espaces. Quand il s’agit de rassembler les femelles pour les traire, les bouviers se servent de grosses coquilles marines enroulées en spirales dont ils tirent des sons retentissons, et aussitôt vaches et brebis viennent apporter leurs mamelles gonflées de lait.

A l’altitude de 1,500 mètres environ commence la partie ardue de l’ascension : le gazon devient plus rare ; bientôt il ne reste plus que des touffes de bruyères séparées par des traînées de scories et par des ravins qu’ont tracés les eaux en tombant du haut des pentes au moment des orages. En plusieurs points s’élèvent des éminences de quelques mètres de hauteur ; ce sont les orifices par lesquels des coulées de lave se sont échappées des entrailles de la montagne. On les trouve généralement creusées de cavités arrondies dont les parois sont revêtues de stalactites de lave, et il faut y voir des soufflures produites par l’expansion des gaz volcaniques au sein de la matière fondue, devenue déjà suffisamment visqueuse pour conserver sa forme ; elles sont souvent distribuées en groupes alignés sur une même fissure linéaire dirigée vers la cime du pic. L’intérieur de l’un de ces cônes sert parfois de lieu de séjour aux bergers ; il offre, du côté de la partie déclive du mont, une voûte cintrée, recouvrant à demi une petite terrasse gazonnée, tandis que l’autre moitié de la dépression est occupée par un gouffre tapissé d’un délicat tissu d’hépatiques. Les fougères poussent avec une vigueur incroyable sur les flancs d’un tel enfoncement, toujours saturé d’humidité et visité seulement pendant quelques heures par les rayons du soleil dans les rares journées où la brume n’enveloppe pas la région moyenne de la montagne. C’est dans la partie accessible de cette espèce de grotte que les excursionistes font d’ordinaire le repas du matin en présence d’un feu pétillant de bruyères, et prennent quelques instans de repos avant de se remettre en chemin. Au-dessus de cet endroit, les touffes de bruyères s’éclaircissent, la pente devient plus raide encore ; on ne voit plus que la roche nue. Des ruisseaux de lave ont jailli jadis au sommet de la montagne et se sont solidifiés sur le penchant sous forme de longs rubans sinueux. Tantôt la substance en fusion s’est déversée en nappes minces qui se sont moulées sur le terrain sous-jacent, tantôt elle a