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entr’ouvert du côté du sud. La mer pénètre par l’échancrure, et remplit tout le fond de cette vaste dépression, connue sous le nom de Caldeira do Inferno (Chaudière de l’Enfer). Les navires de commerce, qui parfois s’y abritent contre le vent du nord-est, paraissent bien petits auprès de la gigantesque circonvallation qui les domine, et bien téméraires quand on songe qu’ils ont pris pour refuge la bouche même du volcan.

Extérieurement, du côté du sud-ouest, le mont Guia, profondément miné par la mer, est creusé de grottes sonores que l’on parcourt en barque, et où l’on peut observer la coupe des assises du tut. Les coulées basaltiques, qui près de là descendent en pente douce jusqu’au rivage méridional de l’île, sont également rongées par les flots ; quelques-unes, intactes à la partie supérieure, offrent des lacunes à la base et ressemblent par suite aux arcades en ruines a un ancien aqueduc.

Des maisons de campagne luxueuses, des métairies entourées de rians jardins et garanties du vent par de hautes murailles de lave, des cabanes proprettes, se voient tout le long du chemin qui suit la côte. Sous le ciel si doux des Açores, cette partie de l’île de Fayal semble encore jouir d’un climat privilégié. Devant la porte de plus d’une chaumière, des palmiers balancent leur élégant panache, et des dragonniers au tronc volumineux dressent leur tête hérissée d’une armure de feuilles épaisses et raides ; des cactus aux formes bizarres, étoiles d’involucres touffus et parés de couleurs éclatantes, des crassulacées groupées en massifs non moins brillamment colorés ou disposées en guirlandes, ornent les plus pauvres jardins et couvrent de verdure les sombres murs des enclos.

À 3 kilomètres environ d’Horta, la côte s’infléchit vers le nord, et la végétation prend aussitôt un aspect plus sévère. L’angle saillant que fait le rivage en ce point est protégé contre la violence des vagues par un amas volcanique qui ne tient au sol de l’île que par une bande de laves large à peine de quelques mètres. La roche qui compose ce monticule est d’un blanc bleuâtre ; elle est divisée en gros prismes accolés verticalement, semblables à la maçonnerie d’un gigantesque édifice. Ces caractères sont tellement frappans que la presqu’île a reçu, dès les premiers temps de l’occupation de Fayal par les Portugais, le nom de Castello Branco (château blanc), quelle porte encore aujourd’hui. L’étroite chaussée qui conduit au sommet s’élève à pic de chaque côté, à 40 mètres environ au-dessus du niveau de la mer, et avec cela présente une montée tellement rude que l’on doit éprouver une certaine appréhension en s’y aventurant lorsqu’on n’a pas une grande habitude de braver le vertige. Après l’avoir traversée, on se trouve sur