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flot brûlant qu’elle revêt. Quelquefois, pendant de longs mois, la matière embrasée conserve intérieurement sa fluidité, alors que tout est refroidi à la surface externe de la coulée. On marche impunément sur les dalles noirâtres de cette chaussée inégale, au-dessous de laquelle la lave fondue rampe comme un long serpent de feu. Çà et là des bouffées de gaz chaud et des vapeurs acides, se dégageant de quelque crevasse, révèlent seules la haute température qui existe à quelques décimètres de profondeur. Cependant la coulée progresse encore à son extrémité terminale; l’immense poids de la matière fondue intérieure pèse de ce côté contre l’obstacle qu’elle s’est créé à elle-même, elle repousse devant elle les blocs amoncelés, et chemine mystérieusement enveloppée par la carapace qu’elle se fait au fur et à mesure qu’elle avance. Dans les commencemens de l’éruption, l’orifice en communication avec le foyer souterrain fournit incessamment la matière destinée à remplacer celle qui s’écoule, et le boyau de lave reste rempli; mais enfin l’émission de nouveaux matériaux s’arrête, le mouvement de la lave fondue n’en continue pas moins dans l’intérieur du conduit; la partie supérieure de la coulée se vide, la partie moyenne se creuse à son tour, et il reste en définitive une sorte de tunnel dans lequel on peut pénétrer lorsque le refroidissement est complet. On se fera facilement une idée du mécanisme qui préside à la production de ces galeries, si l’on se reporte par la pensée à ce qui a lieu dans les pays froids lorsque l’eau d’un canal est retenue immobile par un barrage au moment des rigueurs de l’hiver. La surface du cours d’eau se couvre d’une couche de glace; au-dessous s’étend et sommeille une masse aqueuse encore fluide. Si l’on pratique alors une ouverture à la base de l’écluse, l’eau s’échappe, et la nappe de glace, si elle est assez épaisse et assez adhérente aux parois du canal, conserve la position qu’elle occupait et se maintient sous la forme d’un plafond hérissé de stalactites au-dessus du vide laissé par l’écoulement du liquide.

Les tunnels de lave sont très communs aux Açores; quelques-uns sont courts et peu élevés, d’autres ont plus de 1 kilomètre de long, et souvent sont larges et hauts de plusieurs mètres. L’un des plus beaux se voit à l’entrée du plateau montagneux qui domine la ville d’Angra du côté de l’est. On y descend par un orifice étroit dû à un éboulement accidentel. Après avoir marché quelques pas au milieu des décombres, on se trouve dans une galerie presque régulière, large d’environ 10 mètres, haute de 5 à 6, dont la voûte à demi cintrée est garnie de stalactites noirâtres qui pendent transversalement comme de sombres draperies à bords festonnés. Les parois latérales sont sillonnées de nombreuses moulures légèrement inclinées suivant la pente du sol et se reproduisant avec exacti-