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LES ECOLES A PARIS

S’il est une question qui mérite d’être abordée d’une façon abstraite, c’est celle de l’enseignement, car d’elle dépend l’avenir même de notre pays. Cependant elle a fait surgir un chaos d’opinions qui se heurtent avec véhémence, et rappellent les disputes d’où naquirent les guerres de religion. Que sortira-t-il de là ? L’instruction obligatoire sans nul doute, qui est le corollaire forcé du suffrage universel, et dont la nécessité s’impose aux préventions les plus récalcitrantes ; mais sur ce terrain, qui devrait être celui de la concorde générale, il est à craindre qu’on ne soit pas près de s’entendre : — obligatoire et gratuite, — obligatoire seulement, — moralement obligatoire, — obligatoire et cléricale, — obligatoire et laïque ; c’est la tour de Babel. Ceux qui parlent semblent même ne pas se comprendre, car dans ces batailles, où la logomachie tient plus de place que le raisonnement, le grand problème de l’enseignement n’est pas un but, ce n’est qu’un prétexte. Deux partis sont en présence, deux frères ennemis, qui voient dans la direction que prendra l’enseignement la victoire ou la défaite de leur opinion. Pour l’un, le clergé et ce qu’on peut appeler les ordres scolaires représentent « l’obscurantisme, » un vieux mot qu’il serait bon de ne plus jamais employer ; les écoles congréganistes sont « l’enseignement mutuel de l’abrutissement et de l’hypocrisie. » Pour l’autre, l’université est « la bête de l’Apocalypse, elle est la négation de Dieu, l’appel au matérialisme, la grande-prêtresse du néant. » Les esprits calmes savent qu’en matière d’instruction comme en politique le clergé et l’université sont indispensables : tous deux répondent à des besoins parfaitement distincts qu’on a tort de confondre ; mais ce n’est ni le clergé ni l’université qui souffrent et succombent dans ce combat à outrance, c’est l’enseignement. Jamais cependant nous ne ferons assez d’efforts pour le soutenir, pour le fortifier, j’allais dire pour le créer, car, à bien regarder