Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 103.djvu/826

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mettre à l’abri. Il faut retenir ce personnel mobile et chez qui la futilité domine ; on tâche alors de rendre la leçon « amusante, » on multiplie les anecdotes, et ces cours, qui devraient toujours se tenir sur les hauteurs voisines de l’abstraction, finissent par devenir ce que les Anglais appellent des « lectures » et ressemblent à d’agréables causeries dont un seul interlocuteur tiendrait le dé. Il n’y a pas à morigéner les professeurs, ni à les rappeler à la grandeur très réelle de leur mission : ils savent à quoi s’en tenir à cet égard ; mais, pour ne pas voir leur amphithéâtre absolument désert, ils ont été forcés d’abaisser successivement le degré de leur enseignement, afin de se mettre au niveau du public qui les écoute. L’étude des sciences mathématiques n’attire qu’un nombre d’étudians bien restreint, car elle n’ouvre aucune voie aboutissant à une carrière certaine : cela se comprend ; tous les jeunes gens qui se sentent des aptitudes spéciales sont accaparés par l’École polytechnique.

Dans les facultés qui délivrent des diplômes pour la licence et le doctorat, il y a un empressement nécessité par les exigences mêmes de la carrière choisie ; il est impossible de déterminer le nombre des auditeurs que mille circonstances étrangères aux études font incessamment varier, mais on connaît le nombre des élèves inscrits, qui s’est élevé en 1868 au chiffre de 25 pour la théologie, de 1,480 pour les sciences, de 2,566 pour les lettres, de 2,657 pour le droit et de 2,928 pour la médecine, ce qui donne un total de 9,650 jeunes gens se destinant à passer des examens. — Si, pour enseigner les lettres, il n’est besoin que d’une chaire et de quelques bancs, s’il suffit, à cet ameublement rudimentaire, d’ajouter un tableau noir pour démontrer des problèmes de mathématiques, il n’en est plus de même dès qu’on touche à ces grandes sciences qui ont pour but de pénétrer, de révéler les secrets de la nature, et qui chaque jour, aidées par la méthode expérimentale, font des découvertes nouvelles. La chimie, la physique, la physiologie, l’histoire naturelle, demandent un grand attirail, et sous peine d’être réduites à l’état de théorie platonique, inutile et décevante, doivent posséder des laboratoires, des instrumens, des matières à expérience, des collections, en un mot un outillage particulier et fort dispendieux. Quand au commencement de ce siècle on a organisé à Paris la plupart de ces instituts de haut enseignement, l’appareil de la science était fort modeste ; il en est de cela comme du rouet de nos grand’mères, qui est devenu l’énorme machine à filer que l’on sait. Si Lavoisier revenait aujourd’hui, reconnaîtrait-il dans la chimie, telle qu’elle est professée à cette heure, la science qu’il a fondée avant de mourir ?

C’est en étudiant l’École de médecine et le Muséum d’histoire