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occupent dans l’organisation, soit en décrivant les phénomènes consécutifs qui sont liés avec eux d’une manière constante. On reconnaît ici la rigoureuse méthode de la science moderne, dont l’effort est de se dégager de plus en plus de toute idée préconçue et se réduit, à constater des relations déterminées et constantes entre les faits et les conditions antécédentes.


Il n’appartient pas à la philosophie de contester à la science ses méthodes et ses principes, et d’ailleurs il est de toute vérité que l’objet de la science est de retrouver dans les faits complexes de la nature les faits simples qui servent à les composer. On ne peut donc, à tout point de vue, qu’encourager la science à la recherche des élémens simples de la machine organisée. Mais, si la science a le droit et peut-être le devoir d’exclure toute recherche qui n’a pas pour objet les causes secondes et prochaines, s’ensuit-il que la philosophie et en général l’esprit humain doivent se borner à ces causes, s’interdire toute réflexion sur le spectacle que nous avons devant les yeux et sur la pensée qui a présidé à la composition des êtres organisés, si toutefois une telle pensée y a réellement présidé. Il est facile de montrer que cette recherche n’est nullement exclue par les considérations précédentes. Nous n’avons en effet qu’à supposer que l’organisation soit, comme nous le pensons, une œuvre préparée avec art, et dans laquelle les moyens ont été prédisposés pour des buts ; eh bien ! même dans cette hypothèse, il serait encore vrai de dire que la science doit pénétrer au-delà des formes et des usages des organes pour rechercher les élémens dont ils sont composés et en déterminer la nature, soit par leur situation anatomique, soit par leur composition chimique, et ce sera toujours le devoir de la science de montrer quelles sont les propriétés essentielles inhérentes à ces élémens. La recherche des fins n’exclut donc pas celle des propriétés, et même la suppose, et la recherche de l’appropriation mécanique des organes n’exclut pas davantage l’étude de leurs connexions. Y eût-il, comme nous le croyons, une pensée dans la nature (pensée consciente ou inconsciente, immanente ou transcendante, peu importe en ce moment), cette pensée ne pourrait se manifester que par des moyens matériels, enchaînés suivant des rapports d’espace et de temps[1] ; la science n’aurait même alors d’autre objet que de montrer

  1. Nous négligeons ici, pour la simplicité de la discussion, toute recherche sur la cause première des moyens et des buts dans la nature. Nos argumens valent au point de vue panthéiste aussi bien qu’au point de vue déiste, et ne sont dirigés que contre le pur mécanisme qui exclut toute finalité, instinctive ou providentielle, interne ou externe.