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comme un pays civilisé, et les capitaux anglais pourront s’y aventurer en toute sécurité.


I

La province d’Orissa est divisée en deux parties bien distinctes, l’une de plaines et de marais, située le long de la mer, l’autre de montagnes se reliant au plateau de l’Inde centrale. La partie montagneuse, qui, d’après les traditions historiques, était jadis baignée par la mer, en est aujourd’hui séparée par une plaine d’alluvion de 250 kilomètres de longueur sur 80 de largeur. Trois grands cours d’eau, qui prennent leur source dans l’intérieur, la traversent presque parallèlement en se dirigeant de l’ouest à l’est pour se déverser dans le golfe du Bengale. Ce sont, en commençant par le sud, le Mahanadi, le Brahmani et la Baitarani. Ils forment des vallées pittoresques, qui tantôt s’élargissent en plaines couvertes de rizières, tantôt se resserrent entre des rochers qui pendant la saison des pluies forcent le fleuve à s’élever à une prodigieuse hauteur. Le Mahanadi, dont la largeur varie de 2 à 3 kilomètres, est partout navigable par les bateaux plats, et forme une route excellente pour pénétrer dans l’Inde centrale. Cette région, qui n’est soumise que nominalement à l’autorité britannique, est peuplée de tribus sauvages, débris des anciennes races de l’Inde, vivant côte à côté, les unes nomades, les autres sédentaires, suivant qu’elles appartiennent à des âges différens de la civilisation.

En débouchant dans la plaine, les trois fleuves se divisent en une multitude de bras qui s’entre-croisent et se contournent sur eux-mêmes avant de se rendre à la mer, au milieu d’une région de marais, d’étangs et de lacs, dont le plus considérable est le lac Chilka, dans la partie méridionale de la province d’Orissa. Ce lac, qui reçoit un des bras du Mahanadi, est séparé de l’Océan par une étroite bande de sable. À l’ouest, il est entouré de montagnes qui descendent perpendiculairement dans les flots ou bien lancent en avant leurs promontoires de rochers ; au nord, il se perd dans une région amphibie, moitié terre, moitié eau, formant une suite interminable de bas-fonds, de rivages couverts de joncs, d’îles qui s’élèvent à peine hors de l’eau, et que la vase entraînée par les fleuves fait chaque année surgir du fond des mers. Il a une étendue de 800 kilomètres carrés pendant la saison sèche, de 1,170 kilomètres carrés pendant celle des pluies ; la profondeur n’excède point 2 mètres. Une brèche étroite ouverte dans la bande de sable le réunit à la mer, qui pendant la marée haute y envoie des vagues couvertes d’écume. Au moment des pluies, les rivières gonflées se