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guerre. Un jour, on est tout près de s’entendre, on s’est déjà entendu ; un autre jour, on est sur le point de rompre, on touche à un éclat dans la confusion universelle. C’est la grande politique, à ce qu’il paraît !

Croit-on par hasard que ce soit là pour un pays un régime des plus sains et des plus réparateurs ? Ne voit-on pas qu’on arrive ainsi sans le vouloir à creuser une sorte d’abîme entre ce qu’on appelle la politique des régions officielles et la France elle-même ? On s’agite dans une atmosphère factice, on s’observe ou l’on se neutralise, on déploie toutes les ressources de la tactique ou de l’escrime parlementaire, et la France, qui n’est pas toujours au courant de ces savantes combinaisons, qui est comme un patient entre des médecins plus préoccupés de se contredire que de la guérir, la France finit par se demander définitivement où tendent toutes ces expériences, ces habiletés, ces antagonismes, dont elle n’a pas le secret. Pendant qu’on fait de la stratégie sans avantage pour personne, le public, le vrai public, qui est en dehors du tourbillon, en vient peut-être tout simplement à être assez sceptique, à laisser passer les conflits dont il n’attend rien, à juger les choses et les hommes pour ce qu’ils sont. À travers cette vie laborieuse, et incertaine à laquelle on le soumet, il peut se faire une sorte d’éducation en voyant les partis à l’œuvre au moment présent comme dans le passé. Ce que la commission des trente se propose de lui offrir comme le fruit de sa prévoyance politique, il le saura bientôt. En attendant, une circonstance récente lui a permis du moins de voir dans quelles mains ont été ses affaires pendant quelque temps, et de comprendre jusqu’à un certain point comment toutes les forces, toutes les ressources mises en mouvement pendant la guerre n’ont eu d’autre résultat que d’aggraver les désastres dont le gouvernement impérial reste le premier auteur devant la France et devant le monde.

Lorsque la commission d’enquête, créée par l’assemblée dès ses premières séances, entreprenait cette grande révision de toutes les opérations et de tous les marchés de la guerre, elle commençait naturellement par l’empire, et les radicaux trouvaient alors qu’elle accomplissait une œuvre de justice patriotique, salutaire. La commission devait tout aussi naturellement rencontrer devant elle le radicalisme tout-puissant à Lyon, à Marseille, à Toulouse, pendant les cinq mois douloureux qui suivaient le 4 septembre. C’est là le nouveau procès instruit par la commission et porté récemment devant l’assemblée, où s’est déroulée pendant trois jours la discussion la plus ardente et la plus tumultueuse à l’occasion des marchés de Lyon. Au demeurant, de quoi s’agit-il ? Ce que la patriotique population de Lyon a pu faire ou tenter pour la défense n’est point en question. Malheureusement ces efforts mêmes d’une population toujours courageuse ne pouvaient qu’être paralysés par une domination démagogique dont la commission a nécessairement retracé l’histoire