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temps d’enthousiasme, si différens de l’époque où nous vivons, la France suscitait des hommes de guerre et des hommes de science partout où elle en avait besoin. Etienne Geoffroy Saint-Hilaire était âgé de vingt et un ans, il s’occupait de minéralogie sous la direction d’Haüy. Daubenton lui dit : « Je prends sur moi la responsabilité de votre inexpérience ; j’ai sur vous l’autorité d’un père ; osez entreprendre d’enseigner la zoologie, et qu’un jour on puisse dire que vous en avez fait une science française. » Geoffroy acceptent se charge des animaux supérieurs. Lakanal avait compris qu’un seul professeur ne pouvait suffire à la tâche de ranger dans les collections le règne animal tout entier. Geoffroy devant classer les vertébrés seulement, restaient les invertébrés, à savoir les insectes, les mollusques, les vers, les zoophytes, c’est-à-dire le chaos, l’inconnu, Lamarck, dit M. Michelet, accepta l’inconnu. Il s’était un peu occupé de coquilles avec Bruguières ; mais il avait tout à apprendre, je dirai mieux, tout à créer dans ce monde inexploré, où Linné avait pour ainsi dire renoncé à introduire l’ordre méthodique qu’il avait su si bien établir parmi les animaux supérieurs. Lamarck ouvrit son cours au Muséum dans le printemps de 1794 après un an de préparation et créa dès l’abord la grande division des animaux en vertébrés et invertébrés, qui est restée dans la science. Conservant pour les animaux vertébrés la division de Linné en mammifères, oiseaux, reptiles et poissons, il divisa les invertébrés en mollusques, insectes, vers, échinodernes et polypes. En 1799, il sépara l’ordre des crustacés des insectes, avec lesquels ils étaient confondus en 1800, il établit celui des arachnides distincts des insectes, en 1802, celui des annélides, subdivision des vers, et celui des radiaires, différens des polypes. Le temps a consacré la légitimité de ces coupes, fondées toutes sur l’organisation des animaux ; c’est la méthode rationnelle introduite dans la science par Cuvier, Lamarck et Geoffroy Saint-Hilaire.

Cette étude étant uniquement consacrée à Lamarck envisagé comme naturaliste, nous ne nous occuperons point de quelques ouvrages où il aborde la physique et la chimie : erreurs d’un puissant esprit, croyant pouvoir établir par le raisonnement seul des vérités qui reposent uniquement sur l’expérience, ou bien résurrections d’anciennes théories telles que celles du phlogistique, ces tentatives n’eurent même pas les honneurs de la réfutation ; elles ne les méritaient pas, et doivent servir d’exemple à tous ceux qui veulent écrire sur une science sans la connaître et sans l’avoir pratiquée. C’est un travers assez commun, et nous voyons tous les jours produire avec éclat des objections contre les sciences physiques et naturelles ne prouvant qu’une chose, l’ignorance profonde de ceux qui les articulent. Leur point de départ