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LA MORT D’ALI PACHA.

vires français opéraient leur retour après avoir visité Chypre et les divers consulats de Syrie lorsqu’ils furent subitement attaqués de nuit par sept bâtimens grecs. L’engagement n’eut pas de suite, car dès les premiers coups de canon le capitaine de Reverseaux parvint à se faire reconnaître ; mais une pareille insulte exigeait une réparation. Le capitaine de Reverseaux en détermina lui-même la nature et en dicta les termes.

Les services journaliers que rendait notre station navale avaient enfin fait comprendre aux plus incrédules le prix de notre concours. Le temps était passé où un agent du ministère des affaires étrangères pouvait écrire au duc de Richelieu : « Voici donc cinq bâtimens armés à grands frais, un état-major nombreux avec environ 700 hommes à nourrir et à solder pour protéger un commerce dont votre excellence connaît le peu d’importance. Ce luxe d’armement est bien peu en harmonie, sous tous les rapports, avec notre situation actuelle. » Ce même agent, très ému des dangers que les troubles du Levant, pouvaient faire courir aux intérêts confiés à sa protection, tenait en 1821 un tout autre langage. Il réclamait à grands cris l’envoi et l’assistance d’un navire de guerre. Assiégé par ces sollicitations, l’ambassadeur de France à Constantinople, M. de Latour-Maubourg, ne voyait de moyen suffisant d’y répondre que dans un accroissement notable de nos forces navales. Il demandait avec instance que l’escadre de l’amiral Halgan fût portée à vingt-six bâtimens au moins. « Je ne puis, écrivait de son côté l’amiral, partager à ce sujet l’opinion de M. de Latour-Maubourg. Tant que la France voudra se borner à protéger ici son commerce et ses nationaux, sans prendre une attitude hostile, dix ou douze navires sont plus que suffisans. Aller au-delà quand l’Angleterre se borne à quatre grands navires et dix petits pour la station de toute la Méditerranée, à trois ou quatre corvettes seulement pour le service spécial du Levant, ce serait annoncer des projets, éveiller des inquiétudes. Je persiste à croire que c’est à Toulon qu’à tout événement, nos moyens d’action devraient, s’il y avait lieu, se tenir sans bruit disposés. M. l’ambassadeur m’a prié d’appuyer ses réclamations. En lui répondant, je me hâte, sans sortir de la réserve qui convient à ma position, de l’engager à ne point accorder une foi explicite à toutes les appréhensions manifestées depuis des mois entiers par plusieurs de nos agens diplomatiques. Il y a tel résident français dans les îles qui ne cesse de demander une division entière, une frégate au moins et cependant le point qu’il occupe est parfaitement tranquille. Je ne sache pas qu’à l’exception de M. le consul d’Acre, un seul Français ait été réellement molesté, même dans la première effervescence de la crise. » Heureux le gou-