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la maison qu’elle a été créée du même limon que les autres hommes, que c’est une sottise de s’enorgueillir de la fortune ou de la fonction de ses parens quand on ne sait pas y joindre certains mérites personnels, cela ne l’empêche pas de jouir des avantages, des plaisirs de sa condition. La démonstration de ces vérités morales est autrement vive à l’école ; là, ce n’est pas son titre qui l’affranchira de la honte de n’avoir pas appris sa leçon sans excuse raisonnable, ce ne sont pas ses mises recherchées, ses riches vêtemens qui la sauveront de la punition méritée par ses fautes. Ici, il faut qu’elle se distingue par des qualités purement personnelles, de l’ordre intellectuel et moral, et qu’elle prenne l’habitude d’appliquer aux autres ce mode d’estimation[1]. »


Ce monde d’écolières n’est pas difficile à gouverner ; rarement il y a lieu de recourir à de véritables punitions. La simple menace de donner à l’élève une note inférieure à la note 12 pour la conduite suffit pour amener les plus rebelles à résipiscence. D’ordinaire l’administration du gymnase prend les mesures les plus exactes afin que les jeunes filles ne sortent de ses mains que pour tomber dans celles des parens. Dans certains établissemens, les personnes chargées de venir reprendre les jeunes filles sont tenues de présenter une sorte de cachet attestant qu’on peut leur remettre en toute confiance le précieux dépôt. Les gymnases féminins ont été institués pour l’instruction plutôt que pour l’éducation : on compte sur les familles pour cette partie de la tâche ; mais, comme dans toute société, il y a dans la société pétersbourgeoise ou moscovite des types de parens assez différens. Il y a ceux que l’administration du gymnase ne voit jamais, ne connaît même pas, et qui laissent à la jeune fille le soin de revenir toute seule à la maison. Il y a ceux qui, malgré d’immenses distances, malgré d’absorbantes occupations, viennent tous les jours des extrémités de la ville chercher eux-mêmes leur enfant, s’informer de ses progrès, se concerter avec l’administration pour les méthodes à suivre. Dans le bureau de l’inspectrice ou de l’inspecteur, on rencontre des gens du monde, élégans et raffinés, — ou des artisans russes, encore incultes, mais nullement grossiers, connaissant tout le prix de l’instruction avant de savoir ce que peut bien être l’éducation, — ou des marchands allemands tantôt dignes et solennels, tantôt humbles et obséquieux, prodigues dans la conversation du titre d’excellence. L’école réclame la collaboration de la famille pour l’éducation des enfans ; souvent c’est la famille qui vient réclamer l’appui de l’école pour telle ou telle fillette de treize ou quatorze ans, sage comme un icône sur les bancs

  1. Feuille pédagogique, décembre 1872.