Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/348

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tous côtés les petits enfans pendus aux mains de leurs bonnes ou de leurs mères, et qui vont aux salles d’asile modèles ou aux classes préparatoires s’initier aux mystères de l’alphabet, — les fillettes de neuf ou dix ans avec leur carton de livres ou de cahiers sous le bras et le panier aux provisions dans la main, — enfin les jeunes filles, élèves ou maîtresses, qui se hâtent vers le gymnase. A neuf heures, les hommes peuvent reprendre possession de la rue ; tout ce petit monde est en lieu de sûreté, assis chacun sur son banc ou son tabouret.

A la porte et dans les corridors de l’établissement vous trouvère ? , comme dans toutes les maisons de Saint-Pétersbourg, quelques vieux soldats à la mine sérieuse et honnête, aux façons dignes et polies, à la moustache grise, abondamment chevronnés depuis le coude jusqu’à l’épaule, qui font l’office de concierges ou de domestiques. Vous pouvez visiter ce qu’on appelle la bibliothèque, où il n’y a encore qu’une centaine de livres, et le cabinet de collections, qui se compose de quelques squelettes d’animaux, d’une machine électrique ou pneumatique, plus, à l’usage des dessinateurs, le torse de Laocoon ou la tête de Socrate en plâtre, On ne fait encore que commencer les collections, et on n’a pas l’argent en abondance. Vous pouvez jeter un coup d’œil aux vastes salles de récréation, qui dans la froide Russie remplacent les cours et jardins indispensables chez nous. Le parquet, d’un travail soigné, luit comme un miroir ; les grands murs blancs vernissés ne présentent pas une tache ; les énormes poêles de faïence blanche qui occupent une moitié de panneau depuis le parquet jusqu’au plafond donneraient une leçon de propreté à une ménagère hollandaise ; les portraits de l’empereur, de l’impératrice et du prince d’Oldenbourg ont l’air de se croire dans un salon du Palais d’Hiver. Tout cela est propre jusqu’à en paraître luxueux. Évidemment les lycéennes russes n’ont pas l’humeur destructive de leurs camarades français. On ne voit pas d’encriers qui se sont écrasés au beau milieu d’une muraille fraîchement blanchie, ni de bonshommes gesticulant, ni d’inscriptions quelconques destinées à vexer n’importe qui. Sur les tables en bois blanc vernissé, pas de noms profondément burinés pour la postérité la plus reculée. Ceci commence à me donner une idée favorable du caractère des élèves russes.

Les maîtres et maîtresses sont à l’œuvre, chacun dans sa classe ; dans une salle, une trentaine de fillettes, les bras croisés, essaient de ployer le genou ou de tordre le pied suivant toutes les règles de l’art chorégraphique ; des parties reculées de l’établissement arrivent jusqu’à nous les sons affaiblis de chœurs lointains ou de gammes ascendantes ou descendantes : personne ne reste oisif. Sur