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repas, sont divisés en petites stalles où les voyageurs des autres wagons viennent s’attabler à tour de rôle. On ne s’en sert guère, car les plus grands trajets comportent des arrêts obligatoires dont la durée et l’espacement correspondent le mieux possible avec les heures habituelles des repas. Les wagons-hôtels deviennent au contraire d’un usage général sur les lignes de grande longueur. Pendant le jour, ils ne se distinguent des wagons ordinaires que par une décoration plus élégante ; la nuit, ils se transforment en dortoirs, dont les lits, superposés comme ceux d’un bateau à vapeur, sont garnis de matelas, d’oreillers et même de draps. En somme, un train de chemin de fer devient une maison ambulante ; on y dort, on y mange, on s’y promène ; on y est servi, comme dans les meilleurs hôtels des grandes villes, par des domestiques de couleur qui ne quittent jamais le wagon. Des marchands ambulans offrent des fruits, des cigares, des journaux ; l’éclairage au gaz permet d’utiliser les longues soirées d’hiver, avantage apprécié par des gens qui connaissent le prix du temps. La vie ordinaire est le moins possible interrompue. Tout cela se comprend dans un pays où les distances sont fort grandes. Le voyage de New-York à Chicago est à peu près pour les Américains ce qu’est pour nous le voyage de Paris à Marseille ; entre ces villes, il y a plus de 1,500 kilomètres, que l’on franchit en trente heures. De Chicago à Omaha, il y a la même distance ; on emploie quarante-cinq heures à faire la route. De Omaha à San-Francisco, il y a 3,000 kilomètres, il faut rester cent deux heures en chemin de fer. Voilà donc, de l’Atlantique au Pacifique, un trajet total de 6,000 kilomètres qui dure de sept à huit jours. Qui voudrait s’assujettir à demeurer une semaine assis dans une case étroite en compagnie obligée de gens que l’on n’a pas choisis et que l’on ne connaît pas ? Les mœurs américaines sont d’ailleurs telles qu’elles se plient volontiers et avec beaucoup de discrétion aux petits inconvéniens de cette vie commune entre tous les voyageurs d’un même train. La même organisation serait-elle admise en France avec la même faveur ? Cela dépend beaucoup des personnes et des circonstances. Il paraît probable cependant que, sauf l’installation si désirable de wagons-lits pour les longs trajets, il n’y a pas de motif suffisant de transformer de fond en comble à la mode américaine tout le matériel roulant de nos chemins de fer.

Pour compléter ce tableau, il est à propos de dire deux mots sur la vitesse de marche des trains et sur le prix des places. En ce qui concerne la vitesse, on s’en fait en général une idée assez inexacte. Les uns croient que les lignes américaines sont si mal construites et si mal entretenues que les locomotives n’y peuvent rouler qu’avec lenteur ; d’autres, — et c’est l’opinion la plus commune, — sont