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grandes villes de l’intérieur, tout nouveau railway lui ouvre de nouveaux marchés, agrandit le cercle où se meut son activité. Souscrire des actions n’est pas faire un placement ou accomplir un acte de patriotisme ; c’est simplement étendre les affaires auxquelles on est déjà mêlé. Les Américains ne se sont pas trompés, et, pour s’en convaincre, il suffit de comparer le territoire de l’Union aux solitudes du Brésil ou de la Plata.

Avec une carte sous les yeux, il serait difficile de discerner quelles sont les lignes principales au milieu de ces railways qui se croisent en toutes directions sur la surface des états du nord. Sur ce terrain, les grandes exploitations se sont constituées peu à peu par la fusion de petites compagnies locales. À l’ouest du Mississipi, les chemins de fer furent au contraire entrepris dès le début sur une plus large échelle. L’exemple le plus remarquable que l’on en puisse citer est cette fameuse ligne du Pacifique qui de Omaha, à San-Francisco se développe sur une longueur de 3,080 kilomètres. Les plaines du far-west, sèches et stériles, n’attiraient nullement les colons ou les chasseurs, lorsque, il y a vingt-cinq ans, la découverte de l’or en Californie détermina tout à coup un immense courant d’émigration de ce côté. Jusqu’alors chaque état s’était réservé l’étude des chemins de fer qui l’intéressaient. Quand on en vint à parler d’une ligne entre le Mississipi et l’Océan-Pacifique, le congrès vit qu’il s’agissait en cette affaire d’un intérêt commun à l’Union tout entière ; il réclama donc le soin d’en diriger les études et d’en concéder l’entreprise, fait unique dans l’histoire des travaux publics aux États-Unis. De grands voyages d’exploration entrepris en 1853 et 1654 avaient fait connaître que le massif des Montagnes-Rocheuses se laisserait franchir en bien des points différens, soit par le Nouveau-Mexique, ce qui eût favorisé les états du sud, soit à la hauteur de New-York et de San-Francisco, ce qui convenait mieux aux états du nord, soit même vers la latitude des grands lacs du Canada. La question était en suspens ; la guerre de sécession fut cause que le congrès de Washington la résolut au profit des fédéraux. L’acte de concession date du 1er juillet 1862 ; mais les événemens ajournèrent de quatre ans l’exécution des travaux. Deux compagnies se partageaient cette gigantesque entreprise ; la Union Pacific partait de Sacramento en se dirigeant vers l’est, la Central Pacific avait pour tête de ligne Omaha, sur le Missouri, et se dirigeait vers l’ouest. Chacune devait suivre la route la plus praticable, le gouvernement se réservant de décider en quel point elles se rencontreraient. Il leur était interdit d’admettre des pentes supérieures à 22 millimètres et des courbes de rayon inférieur à 122 mètres ; hors cela, il n’y avait pas d’autres conditions que cette formule très vague : « le chemin sera pourvu de tous les fossés, aqueducs,