Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/459

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

critiques qui se manifestaient dans l’église et dans l’état. Dans l’église, il était malaisé d’éviter l’envahissement des passions et des abus de la féodalité, et le concours de l’autorité impériale à la réforme ecclésiastique suscitait le conflit ainsi que la rivalité du saint-siège lui-même, amoindri par l’action impérative et coercitive du souverain, lequel était en réalité pape autant qu’empereur ; si le souverain n’était pas habile, religieux et circonspect, la tutelle impériale se transformait en un joug oppressif, insupportable pour l’église. Ainsi le mal de l’église était grave, et le remède aussi périlleux que le mal. En ce qui touche l’empire, l’immixtion du pouvoir politique dans la discipline religieuse pour réprimer la simonie et le concubinat sacerdotal exposait l’empereur à la haine d’une classe puissante, à une époque où le pouvoir impérial éprouvait un affaiblissement notable par l’hérédité des fiefs arrachée au fondateur de la dynastie franconienne, à Conrad III. L’unité, l’efficacité du pouvoir impérial était ébranlée par cette conquête de la féodalité allemande, et la discipline politique devenait aussi difficile à maintenir que la discipline religieuse à rétablir. A cet embarras administratif se joignait pour les Franconiens un embarras politique, non moins sérieux, par la substitution de leur dynastie à la dynastie saxonne. La prudence de Conrad III et l’habileté ferme d’Henri III avaient conjuré ces dangers divers ; mais la mort prématurée d’Henri III, laissant un enfant de cinq ans pour héritier, détermina l’explosion des orages.

La connaissance de ces embarras politiques de l’Allemagne est indispensable pour expliquer l’entreprise de Grégoire VII. Elle me semble avoir été négligée par les historiens de ce pontife. Voici l’origine et les traits principaux de ces difficultés.


III

A l’extinction de la race masculine de Charlemagne sur le trône de Germanie, par la mort de Louis l’Enfant, en 911, l’hérédité faisant défaut, les peuples germaniques recoururent à l’élection, d’après les anciennes coutumes du pays. Deux peuples ou races et deux maisons princières se trouvèrent en concurrence pour obtenir la couronne. Les peuples alors en lutte de prépondérance étaient les Saxons d’une part, les Francs orientaux ou Franconiens de l’autre. Les deux maisons princières étaient celles qu’on a désignées depuis sous le nom de maison impériale de Saxe et de maison de Franconie. Ces deux maisons, puissantes par l’étendue de leurs domaines, leur influence et le nombre de leurs hommes, descendaient de Charlemagne par les femmes, et à ce titre elles se