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Dans le sud de l’Allemagne, des symptômes d’agitation provenant d’autres causes se manifestaient. La société féodale y était plus avancée que dans le nord, où l’on se ressentait davantage de la condition sociale de l’ancienne Germanie. Sur les débris des constructions romaines, la féodalité édifiait des tours menaçantes, des châteaux-forts, et transportait sur les pics des montagnes les centres d’action que la société romaine avait établis dans les cités, dans les plaines fertiles, au bord des fleuves majestueux. Les monastères s’entouraient de moyens de défense contre la violence armée, et tous les intérêts réclamaient la protection des possesseurs de fiefs assez forts, assez redoutés, pour imposer le respect et la subordination. En ces contrées s’agitaient pleins d’ambition, cherchant la fortune et construisant leur puissance, des feudataires passant alternativement de la chevalerie au brigandage, toujours prêts à la révolte ou à la soumission envers la royauté, selon que celle-ci était impuissante à les réduire ou énergique à réprimer leurs désordres. On remarquait dans l’Alemannie ou Souabe les descendans des anciens bénéficiers, des ducs ou Kammerboten supprimés par les Carlovingiens, continuels agitateurs d’une contrée où ils semblaient identifiés avec le sol, et rivaux secrets de tout pouvoir qui s’élevait sur les ruines de leur puissance passée ; la guerre y était prête à éclater à chaque instant suivant les tentations de la passion ou les chances du succès.

Près du Rhin et dans sa longue vallée, ou sur les passages des montagnes, se montraient menaçans les Zäringhen, race turbulente, audacieuse, avide, aspirant à reprendre une domination que, selon la tradition, ses ancêtres avaient perdue, prête à tout entreprendre pour retrouver la puissance et l’éclat, — en Alsace, des dynastes remuans qui tramaient d’intelligentes et hardies intrigues, tantôt dans la Basse-Lorraine, tantôt en Helvétie, tantôt dans l’Alp de Souabe. C’étaient les Rhinfelden, rameau détaché peut-être ou du moins allié de la vieille race de Gontran le Riche, — les comtes de Habsbourg, à qui le puissant évêque Werner de Strasbourg venait de construire leur célèbre forteresse sur les cimes de l’Aar, avec les pierres de Vindonissa, et qui cherchaient à développer sous l’empire de la maison de Franconie l’influence qu’ils avaient acquise sous la maison royale de Bourgogne, — les Kibourg, autre race brave et guerroyante, qui jouissait d’un grand crédit dans la vallée de la Thur, — la maison d’Alsace proprement dite, liée d’affinité à toutes les familles déjà nommées, et dont Henri III venait d’apaiser les désirs en confiant à Gérard, son chef, le duché de la Haute-Lorraine, où ses descendans ont régné pendant tant de siècles avant d’aller s’asseoir sur un des premiers trônes de l’Europe, — les Welfs d’Altorf, qui s’éteignaient à Weingarten, mais en se