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visible, toutes choses étaient demeurées telles que les avaient connues ou faites les contemporains de ces morts ; mais, hélas ! à peine le miraculeux spectacle a-t-il ébloui les yeux et rempli les cœurs d’une sorte d’admiration épouvantée, qu’il commence à perdre sa précision. Déjà l’air extérieur, en pénétrant dans la crypte, altère l’aspect de ces frêles dépouilles ; déjà chaque contour semble vaciller, chaque couleur s’éteindre, chaque forme s’affaisser. Encore quelques minutes, quelques secondes peut-être, et rien, qu’un peu de poussière, ne restera plus de cette surprenante vision. La vie du dehors n’aura envahi l’antique sépulcre que pour y apporter comme une seconde mort, et bientôt, sous l’action d’une atmosphère ennemie, tout ce qu’il contenait achève de se dissoudre, tout est anéanti, tout a disparu. Si les peintures qui décoraient les murs et que M. des Vergers a reproduites dans son ouvrage ne subsistaient pour nous transmettre quelque chose de la découverte, on se défierait presque des souvenirs que les explorateurs en ont gardés, et ceux-ci mêmes, au sortir de ce caveau où ils s’étaient trouvés en contact direct avec le monde antique, auraient pu croire qu’ils venaient d’être trahis par leurs sens ou trompés par les rêves de leur imagination.

Nous pourrions citer d’autres exemples des mésaventures qu’entraînent parfois pour les plus courageux et les mieux inspirés ces fouilles d’ailleurs si attrayantes. Sans parler de ce qu’ils y compromettent ou y perdent de leur santé, de leur fortune, nous pourrions rappeler quels efforts d’énergie ou de patience il leur arrive de dépenser, et trop souvent de dépenser vainement, pour lutter contre le mauvais vouloir ou l’apathie des ouvriers, contre les défiances niaises ou la cupidité des autorités locales. Tantôt, si la scène se passe en Grèce, c’est à qui parmi les descendans de Thémistocle ou de Léonidas s’avisera du moyen le plus ingénieux pour traîner la besogne en longueur ou pour s’épargner une fatigue. « Pendant qu’on remplit de poussière et de plâtras leur panier de jonc qui contient la charge d’un enfant, ils font, dit M. Beulé, à celui qui manie la sape, des observations affectueuses : « mon frère, ce sera trop lourd. » Le frère retire l’excédant, un voisin aide à charger et reçoit le même service. Les voilà partis d’un pas majestueux, gravissant le rocher jusqu’au point « d’où les débris sont précipités dans la plaine ; mais le panier, qu’ils maintiennent d’une seule main sur leur épaule, est tellement incliné pendant ce voyage que la terre retombe derrière eux en pluie continue et serrée ; ils ne jettent par-dessus le mur qu’une pincée de poussière semblable à celle qu’Antigone jetait sur le cadavre de son frère ; ils contemplent un instant l’horizon et la vaste mer, se montrent un navire aux voiles blanches, échangent