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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/611

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dépêches de Guizot depuis le 17 mars jusqu’au 9 de ce mois (juillet 1840), c’est que Guizot a continuellement averti Thiers de ne point se faire illusion sur la conduite du gouvernement anglais ; il lui a constamment dit que, si la France n’entrait pas dans nos vues, nous passerions outre infailliblement avec les quatre puissances et en dehors de la France. Guizot a dit de plus que l’événement était imminent, et qu’une convention conclue sans la France pourrait être signée à chaque jour de chaque semaine. Thiers ne peut donc dire qu’il a été surpris… »


Plus tard encore :


« J’ai une grande estime et une grande considération pour M. Guizot. — J’admire ses talens et je respecte son caractère. Je l’ai trouvé un des hommes les plus agréables que j’aie rencontrés dans les affaires publiques. Ses vues sont élevées et philosophiques. Il examine les questions avec lucidité, les discute à fond, et semble toujours pénétré du désir d’arriver à la vérité… »


Il est à regretter, pour le renom de lord Palmerston, qu’il n’ait point toujours jugé avec une pareille impartialité et un pareil discernement les hommes éminens que les relations diplomatiques ont placés en contact avec lui. Quant aux avertissemens que M. Guizot ne cessait de faire parvenir à Paris durant l’époque dont il s’agit, autant que personne nous serions en mesure d’en parler. Non-seulement sa correspondance en est remplie, mais, appelé vers la fin de juin à une mission lointaine, nous fûmes chargé par lui de les renouvelée de vive voix à Paris avec la dernière insistance ; malheureusement ils furent peu écoutés. Aussi la confiance que Méhémet-Ali était inattaquable, et que rien ne serait tenté contre lui en dehors de la France, ne cessa-t-elle de prévaloir dans nos conseils.

Cependant la grande crise approchait sensiblement à Londres. Décidé à la précipiter, lord Palmerston voulut surmonter toutes les résistances de ses collègues pour n’agir qu’au nom d’un gouvernement ouvertement unanime. Le 5 juillet, la lettre suivante fut déposée sur la table du conseil.

« Au très honorable vicomte Melbourne.


« Carlton Terrace, le 5 juillet 1840.

« Mon cher Melbourne,

« La différence d’opinion qui paraît exister entre moi et quelques membres du cabinet sur la question turque et l’extrême importance que j’attache à cette question m’ont conduit, après mûre réflexion, à la