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monarchies autoritaires de porter à leur tour chez leurs voisins les institutions qui leur semblent les plus tutélaires, de revenir aux doctrines du traité de Pilnitz et du congrès de Vérone ? .. On a parlé, il est vrai, de l’action de la diplomatie. Permettez-moi de le demander, qu’est-ce que la diplomatie ? C’est un instrument assez dispendieux pour maintenir la paix. C’est une organisation particulière à laquelle les nations civilisées ont recours pour les préserver des malheurs et des alarmes de la guerre. A moins qu’elles ne s’en servent pour apaiser les animosités des individus, pour calmer les passions qu’engendre chez les peuples le sentiment exalté de la nationalité, si, je le répète, nous ne nous en servons point dans cet esprit, c’est un instrument à la fois fort coûteux et fort pernicieux. Si votre diplomatie n’est employée qu’à irriter chaque blessure, à envenimer les ressentimens au lieu de les amortir, si vous placez dans chaque cour de l’Europe un ministre, non point dans le dessein de prévenir des querelles ou d’y mettre un terme, mais afin d’entretenir d’irritantes correspondances, ou afin, dans tel intérêt supposé de l’Angleterre, de fomenter des dissensions avec les représentans des puissances étrangères, alors, je le répète, non-seulement cette institution est maintenue à grands frais par les peuples en pure perte, mais une organisation adoptée par les sociétés civilisées pour assurer les bienfaits de la paix est pervertie en une cause nouvelle de troubles et d’hostilités… »

Ainsi s’exprimait sir Robert Peel, le 28 juin 1850, dans un discours qui fut en quelque sorte son testament politique, car le lendemain même eut lieu la chute de cheval dont il ne devait jamais se relever. Les vues exposées dans cette circonstance avec une autorité qui ne saurait nous appartenir ont été de tout temps les nôtres. Nous croyons qu’elles ne peuvent trop constamment inspirer la politique extérieure des grandes rivales européennes. De longues années de réflexion n’ont pu que confirmer à cet égard les ardentes convictions de notre jeunesse. Nous les plaçons sans crainte sous l’égide d’un nom qui, tout étranger qu’il soit à la France, est digne parmi nous, comme partout, d’une considération et d’une confiance exceptionnelles.


Cte DE JARNAC.