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femme et sa fille. Ce dernier leur expose qu’il a voulu les voir une dernière fois, mais que toutes relations doivent être rompues entre les deux familles : Kawatzou n’a-t-il pas en effet, le jour de la cérémonie du temple d’Hatchima, arrêté le bras du daïmio Egna et sauvé la vie de son ennemi ? Sans cette intervention funeste, son maître serait du moins mort après avoir satisfait sa vengeance. Kawatzou, qui a tout entendu, ouvre à ses derniers mots ses vêtemens, prend son poignard, se fait aux entrailles l’incision du harakiri, renoue sa ceinture, et se traîne au seuil de l’habitation. Les malheureuses femmes, sortant de cette entrevue où elles ont laissé tout espoir, y trouvent le vieillard sanglant et sur le point d’expirer ; il lui reste la force de leur dire : — Je suis intervenu pour le plus grand des malheurs entre les deux princes ; puis j’ai conseillé à mon maître de venger son ami, il n’a pu suivre mes conseils. Quel serviteur fidèle, après cela, oserais survivre à son honneur ? Je suis trop vieux pour racheter ma faute ; mon bras affaibli ne tient plus le sabre ; il ne me restait qu’à mourir. Moi disparu, Hori et les siens pourront encore vous accueillir. — Hori paraît à ces mots et promet qu’il en sera ainsi ; puis, ayant rendu les derniers devoirs à son ami avec le concours des deux femmes, il les décide à regagner leur résidence au château du daïmio Monomoï. Tandis qu’elles s’en retournent, le cœur attristé du présent et inquiet de l’avenir, Hori et son fils reprennent le chemin de la capitale.


IV

L’hiver est venu. Les lonines d’Egna, obéissant au mot d’ordre de leur chef, ont gagné par petits groupes Kamakoura. Accrue par des affiliations successives, leur troupe se compose désormais de quarante-sept hommes résolus. Les uns, et dans le nombre Hori et son fils, affectent de vivre dans une insouciance joyeuse et une dissipation qui éloigne tout soupçon de leurs projets. Leurs compagnons ont quitté leurs armes, et, vêtus en gens du peuple, se sont dispersés dans divers quartiers. Un marchand, ancien agent d’affaires du daïmio Egna, en relation depuis longtemps avec les officiers du prince, leur donne accès dans sa demeure : au fond de son habitation se trouve un de ces vastes magasins aux parois épaisses, à l’épreuve du feu, où les négocians entassent leurs marchandises précieuses ; les lonines peuvent tenir leurs conciliabules dans ce réduit à l’abri de toute oreille et de tous regards indiscrets. C’est là qu’ils se réunissent depuis leur arrivée pour se communiquer les nouvelles et discuter définitivement l’exécution de leurs projets de vengeance. Le ministre