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pour prolonger la résistance et donner à leur maître le temps de fuir.

Si rapide et si sûre a été l’attaque, que le principal groupe des assaillans est parvenu aux appartemens privés de Koono. Les femmes et les serviteurs, affolés de terreur, se sont enfuis dans les jardins ou cachés sous le plancher des habitations. On prévient le vieux daïmio que les issues de sa demeure sont cernées ; à ce moment, un de ses gens a la présence d’esprit de soulever un de ces kakémonos ou longs rouleaux de dessins pendus aux murs de l’appartement, et d’ouvrir avec son sabre la mince cloison de stuc et de bois ; le vieillard s’élance par cette ouverture dans une ruelle qui mène aux dépendances du logis, puis le rouleau retombe sur le mur. Dans cette pièce, où sont tombés un à un les défenseurs baignés dans leur sang, Hori pénètre bientôt à la suite de ses hommes ; derrière un paravent, il aperçoit le matelas et les couvertures du daïmio, reconnaissables aux armoiries brodées sur les étoffes. Le lit est vide, et paraît, grâce à l’ordre réparé à la hâte, n’avoir pas été occupé de la nuit ; mais Hori, saisi d’une inspiration subite, y plonge la main et trouve le matelas encore chaud à la place du corps. Le prince n’est donc pas loin, et le gros des conjurés se remet à sa poursuite, tandis que quelques autres tiennent en respect et garrottent les derniers défenseurs.

Une trace de pas solitaires partant des derrières de l’habitation et suivis sur la neige ne tarde pas à trahir la retraite du fugitif. Blotti dans un hangar, au milieu de sacs de paille remplis de charbon, il a l’angoisse d’entendre l’assaillant se rapprocher peu à peu ; des pas résonnent sous le hangar, le bois des lances en sonde les recoins obscurs, et bientôt un bras vigoureux le saisit et l’arrache de sa cachette. Traîné sur la neige, à demi nu dans son vêtement de nuit, le prince est amené à Hori, qui accourt et le reconnaît. Se voyant irrévocablement perdu, le vieillard se laisse tomber à bout de forces, et sa tête, abattue d’un coup de sabre, roule aux pieds de son impitoyable ennemi. Un signal du tambour de guerre annonce aux combattans le succès de l’entreprise ; ils se rallient autour de leur chef, et quittent immédiatement l’enceinte du hiaski. L’un d’eux emporte, roulée dans une pièce de crêpe de soie, la tête de celui qui fut le ministre Koono.


V

Une heure environ après la fin du combat, le gros des lonines est venu volontairement se rendre et déposer les armes aux postes de