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parle de nous sur le même l’on que la Gazette de l’Allemagne du nord. Les deux gazettes ne diffèrent que sur des points de détail. Par exemple la Germania approuvait fort notre conseil supérieur de l’instruction publique : un directoire des esprits où siégeraient quatre évêques lui semblait une institution remarquable ; elle l’admirait d’autant plus qu’au même moment, à Berlin, l’état mettait la main sur l’éducation ecclésiastique et fermait aux évêques la porte des séminaires. C’était un thème excellent pour une série d’articles d’opposition, et la Germania n’avait garde de le laisser échapper. N’en concluons pas cependant que la Germania nous aime et nous souhaite un retour de fortune politique, même au profit de l’ultramontanisme et de l’infaillibilité papale ; elle ne tient au fond ni pour M. Thiers, ni pour la droite de l’assemblée. Si M. Thiers paraît dominer la situation, elle le critique aussitôt et crie au pouvoir personnel ; si la droite a l’air de l’emporter, c’est qu’il y a malentendu : l’accord ne peut s’établir, l’entente ne saurait durer ; la droite est impuissante, la gauche est incapable, M. Thiers ne sortira jamais du système de bascule, et la France est condamnée à piétiner sur place. Voilà l’impression que doit garder sur nos affaires un lecteur de la Germania ; si ce lecteur cause avec un abonné de la Gazette nationale, il n’y a pas de doute que, sur ce point, leurs jugemens ne se rencontrent, qu’ils ne s’entendent parfaitement, aussi bien sur notre état présent que sur la politique à suivre avec nous dans l’avenir.

La mort de l’empereur Napoléon III a été pour les journalistes allemands une occasion de découvrir une partie du mépris que leur inspire la France. On a pu voir alors combien, malgré leur connaissance précise du détail des faits, ils manquent souvent de critique dans la recherche des causes et se méprennent dans leurs appréciations d’ensemble. Les raisons profondes du succès et de la chute de Napoléon III paraissent leur avoir échappé. Ils se plaisent à opposer aux récriminations des journaux français le jugement mesuré de l’Allemagne, bien qu’elle eût eu « le droit » de se montrer sévère. Aux yeux des Allemands, la France a voulu la guerre ; elle y a contraint l’empereur, qui ne la désirait pas. « La haine fanatique des Allemands, dit une revue très sérieuse, Unsere Zeit, la jalousie excitée par les agrandissemens de la Prusse après Sadowa, auraient influencé un observateur même moins pénétrant que ne l’était Napoléon III. Il crut sauver sa dynastie en suivant le courant. » De même qu’après Sedan la Prusse a poursuivi les hostilités contre la France, de même après la mort de Napoléon III la presse allemande continue de faire peser sur nous tout le poids de la guerre. Elle oublie les cris de haine que provoquait en