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lieu de toutes les querelles, de toutes les divisions. L’assemblée n’y gagnera point à coup sûr en crédit, en autorité ; elle sera exposée à épuiser ses forces pour vivre jusqu’au bout, et on arrivera ainsi aux élections sans avoir rien fixé, sans avoir rien organisé, avec des pouvoirs affaiblis par toutes les contestations, avec des partis violemment animés les uns contre les autres et un pays plein de perplexités. Contre ce danger possible, le vrai préservatif, c’est de s’inspirer de l’esprit qui a produit la loi des trente, et de tirer de cette combinaison toutes les conséquences pratiques. Il ne s’agit point de se demander si c’est un idéal, il s’agit de savoir si c’est la seule chose réalisable. Eh bien ! puisqu’on s’est entendu pour tracer ce programme, qui consiste en une loi sur la transmission des pouvoirs publics, la constitution d’une seconde chambre, la réforme de la loi électorale, pourquoi ne se mettrait-on pas à l’œuvre en commun, assemblée et gouvernement, pour exécuter ce plan avec une méthodique et sérieuse résolution ? Pourquoi ne chercherait-on pas à dégager des conditions de vie publique qui nous sont faites tout ce qu’elles peuvent contenir de garanties et de force ?

De quoi est-on préoccupé en définitive ? On veut épargner au pays les périls d’une crise provoquée par une invasion bruyante du radicalisme, qui effectivement serait peut-être à craindre, si on ne faisait rien. C’est justement contre cette invasion du radicalisme que les mesures prévues par la loi des trente peuvent devenir efficaces. On rencontrera sans doute l’opposition des partis extrêmes, c’est bien aisé à prévoir. Pour la millième fois et par une sorte d’habitude, les radicaux répéteront qu’on va porter atteinte au suffrage universel. Nullement ; il n’est point question d’attenter au suffrage universel et de recommencer la loi du 31 mai. Tout ce qu’on se propose, c’est de mettre la sincérité, la moralité et la vérité dans les élections, dans la pratique du suffrage universel. Là-dessus l’entente est certainement facile entre toutes les opinions sérieuses, entre la majorité et le gouvernement. M. Thiers lui-même traçait le programme à suivre sur les points essentiels, lorsqu’il disait dans la commission des trente : « Il y a dans le suffrage universel, tel qu’il est organisé aujourd’hui, absence complète d’identité et aussi de garantie morale ; nous songeons à écarter les individus sans aveu, ce n’est pas une atteinte au suffrage universel. Ce serait une atteinte, si on excluait les citoyens ; mais l’homme sans aveu, ce n’est pas un civis, comme disaient les anciens… » M. Thiers indiquait aussi comme une garantie réelle, sérieuse, « la localisation de l’élection, l’élection par arrondissement. » Avec une loi ainsi faite, s’inspirant de cet esprit, toutes les opinions peuvent assurément se produire ; mais l’élection prend immédiatement ce caractère plus sérieux qui résulte de la vérité, de la sincérité. Les autres mesures prévues par la loi des trente peuvent n’être pas moins utiles en concourant au même but. Cela ne. peut être un doute aujourd’hui : lorsqu’on en viendra à