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du plus vivace esprit de fédéralisme. C’est une expérience qui ne laisserait pas d’être dangereuse, si l’Autriche n’était habituée à vivre au milieu de toutes ces intimes complications.

ch. de mazade.



LES THEATRES.

COMEDIE-FRANÇAISE, reprise de Dalila. — GYMNASE, Andréa, par M. Victorien Sardou.

Il y a maintenant vingt ans que Dalila a vu le jour, et plus de quinze que cette pièce charmante et célèbre a été représentée pour la première fois sur la scène du Vaudeville, à laquelle le Théâtre-Français l’a empruntée au commencement de 1870. Applaudie, acclamée en 1857, elle n’a pas eu moins de succès lorsqu’elle a fait son apparition sur la première scène française. On vient de la reprendre, dans l’espoir peut-être de la faire entrer définitivement dans le répertoire courant de la Comédie-Française, car la reprise est entourée d’un luxe de mise en scène inusité qui respire la confiance. Aux yeux de la critique, Dalila est toujours la plus fortement conçue et la plus parfaite parmi les œuvres de celui que l’on pourrait appeler l’héritier bénéficiaire de l’école romantique ; elle mérite de rester et elle restera, car elle est faite de passion, de passion ardente qui demeure éternellement vraie et qui est de tous les temps. C’est l’histoire d’un cœur brisé au seuil de la vie parce qu’il a dédaigné le bonheur tranquille du foyer pour courir après le mirage d’un amour tout de feu et de flammes. Cette donnée simple et pathétique est développée avec une grâce et une force singulières, et la tragédie bourgeoise se transforme peu à peu en drame romanesque. La paix qui régnait dans l’aimable intérieur du vieux musicien Sertorius a été troublée par son élève favori, un artiste de génie qu’un mécène mélomane a découvert parmi les chevriers dalmates, et dont il a fait en peu d’années un maestro célèbre. Quand le chevalier Carnioli s’aperçoit que Roswein aime la fille de Sertorius, la blonde Marthe, et qu’il est en train de s’enterrer dans ce bonheur bourgeois, il le pousse dans les bras d’une dangereuse sirène qui devra tremper cette âme au feu de la passion. La princesse Léonora ne s’acquitte que trop bien de la mission dont elle a été chargée à son insu : au bout de peu de mois, nous retrouvons le naïf maestro malade d’un coup d’épée, crachant le sang, l’ombre de lui-même et le jouet des cruels caprices de la femme qui s’est emparée de lui. Trop tard Carnioli arrive pour l’arracher à sa perte ; la princesse le domine jusqu’au moment où, lassée, elle le chasse. Embusqué sur la grand’route pour la tuer, il arrête une voiture dans laquelle il croit qu’un rival emmène la princesse : c’est son vieux maître Sertorius qui emporte le corps de sa fille morte de chagrin. André Ros-