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déterminées par la législation fédérale. » C’est le seul adoucissement qu’on ait cru devoir apporter aux plaintes de la souveraineté cantonale, ainsi dépouillée impitoyablement de la plus Importante de ses prérogatives.

Il ne nous appartient pas de juger cette réforme et de trancher entre les deux opinions qu’on vient de voir. Il nous semble cependant qu’elle ne tuera pas l’armée, comme le soutiennent ses adversaires, mais qu’elle lui prêtera au contraire une force plus grande. Chacun reconnaît que la centralisation de l’instruction et l’abolition de l’échelle des contingens seront de bonnes choses en elles-mêmes ; on ne se lamente que sur l’amoindrissement des cantons et l’affaiblissement de la vie cantonale. Il est vrai que ce nouveau système porterait un coup terrible aux cantons, où déjà la vie politique menace de s’éteindre ; mais il est impossible de tout concilier, et les nécessités de la défense nationale ne doivent-elles pas aujourd’hui primer tout le reste ? Les inconvéniens financiers du projet sont les plus graves. On a peine à se figurer la Suisse obligée d’entretenir à grands frais une grosse armée de 150,000 hommes, Ce qui faisait jusqu’ici sa prospérité, c’est qu’elle payait peu d’impôts et qu’elle se gouvernait à bon marché. Déjà les cantons dépensent environ 7 millions par an pour l’entretien de l’armée fédérale ; à cette somme déjà grosse, et qu’il va falloir imputer sur les dépenses de la confédération, devra s’ajouter un supplément considérable de 1 million 1/2, de 2 millions, de 3 millions peut-être. Où la confédération trouvera-t-elle l’argent nécessaire ?

C’est ce que les auteurs de la révision ont été forcés de prévoir, et voilà pourquoi à la centralisation militaire ils ont dû ajouter la centralisation fiscale. D’après l’article 34 de la constitution encore en vigueur, les dépenses de la confédération sont couvertes par les intérêts des fonds fédéraux, par les péages, les postes, la régie des poudres et les contributions des cantons. L’article 28 du nouveau projet de constitution décide également que le produit des péages (ou douanes) appartiendra à la confédération, mais cela signifie qu’il lui appartiendra intégralement, sans remise ni indemnité à payer aux cantons. On sait en effet que les cantons reçoivent encore, en dédommagement des péages supprimés en 1848, la somme de 58 centimes par tête de population, suivant le recensement de 1838 ; ils reçoivent même, au cas où cette indemnité ne serait pas suffisante, une redevance calculée de façon à parfaire le revenu net des péages, évalué d’après le produit des années 1842 à 1846. Telles sont les diverses ressources qu’il s’agit de leur enlever pour les laisser au gouvernement fédéral ; on ne fait exception que pour les cantons d’Uri, des Grisons, du Tessin et du Valais, qui