Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/844

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette riche nature, le bois de châtaigniers semblait un lieu maudit, visité par le feu du ciel. De grands arbres desséchés s’y dressaient tristement. Avant de succomber, les rameaux dénudés avaient pris des formes contournées et bizarres, comme s’ils avaient été torturés par une douleur physique. La maladie s’est montrée aussi dans le district de Povoaçao, où se trouvent les plus grands bois de châtaigniers de San-Miguel ; elle y a déjà produit d’énormes ravages et ne paraît nullement en voie de décroissance. Jusqu’à présent, l’homme est resté impuissant devant ce fléau ; le rapprochement des touffes de châtaigniers, l’extension du mal aux parties extrêmes des racines ont empêché d’appliquer les moyens violens auxquels on avait eu recours contre la lagrima des orangers. Il y a véritablement peu d’espoir d’arrêter la propagation de la maladie. Cependant l’examen microscopique du champignon parasite développé sous la partie corticale des racines, si elle était exécutée par un botaniste habile, pourrait peut-être fournir quelques indications sur la nature des remèdes les plus efficaces à employer. Dans tous les cas, ce serait une étude intéressante dont les résultats figureraient avec honneur parmi les travaux d’histoire naturelle entrepris de notre temps.

Il y a quelques années, la perte des châtaigniers eût été irréparable, tandis que dans les plantations d’essences nouvellement introduites on trouvera sans doute des bois capables de remplacer le châtaignier dans ses principaux usages. Les progrès récens de la sylviculture à San-Miguel permettent en effet de fonder sur cette industrie les plus belles espérances.

Les Açores, couvertes de forêts épaisses au moment de leur découverte, ont été déboisées sans ménagement pendant trois siècles et demi. La pénurie d’arbres était devenue telle, il y a cinquante ans, que pour la confection des caisses d’oranges on était obligé de faire venir le bois de Lisbonne ; aujourd’hui, loin d’importer du bois, on commence à en exporter, et dans un avenir peu éloigné San-Miguel sera devenu un centre important d’exploitation forestière. Quelques étrangers que des raisons de santé ou des intérêts commerciaux avaient attirés aux Açores ont les premiers par leur exemple inspiré le goût de l’arboriculture. Un consul de Russie, nommé Scholtz, a planté il y a quatre-vingt-cinq ans quelques arbustes qui sont aujourd’hui devenus des arbres grandioses. J’ai vu dernièrement, dans une propriété qui lui avait appartenu, un superbe hêtre de 3 mètres de circonférence, et dans un de ses jardins, un laurier des Canaries de plus de 6 mètres de tour. Toutefois ces essais étaient isolés et ne se pratiquaient guère que dans un intérêt d’ornementation, lorsque l’un des principaux