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c’est que peu à peu le fermier se substitue au propriétaire primitif, et que les champs finissent par devenir la possession de celui qui les arrose de ses sueurs. Une autre raison qui a déjà contribué à favoriser le développement de la petite propriété est l’absence de cours d’eau nécessaires à l’entretien des prairies naturelles. Les pâturages sont possibles sur les sommités, grâce à l’humidité bienfaisante qui y règne perpétuellement ; mais à des niveaux plus bas le terrain sec et poreux n’est propre qu’au labourage, où le travail de l’homme remplit le premier rôle.

La culture principalement pratiquée est celle du maïs : l’ensemencement se fait de février à mai, et la récolte en septembre. Les épis, une fois récoltés, sont mis à sécher au soleil le long d’un faisceau de perches ou suspendus dans le même dessein à des peupliers dont les rameaux ont été réduits à l’état de moignons difformes. San-Miguel et San-Jorge produisent aussi beaucoup de froment. L’orge, que l’on sème fréquemment, est coupée d’ordinaire avant maturité pour servir de fourrage. Une culture très répandue est celle de l’igname. Cette plante, dont les amples feuilles servent souvent en France à l’ornement des massifs de verdure des jardins publics, fournit un tubercule allongé, grisâtre, qui est un excellent aliment. Les terrains humides lui sont surtout favorables ; on la cultive jusque dans la région des brumes. Sur les bords de la rivière chaude de Fumas, elle végète avec vigueur dans des champs inondés perpétuellement par un courant d’eau tiède. La pomme de terre, la patate, sont cultivées aussi, mais en moindres proportions. Le pois, la fève, le haricot, le lupin, sont très répandus. Le lupin joue un très grand rôle dans l’agriculture açorienne. Le sol volcanique des îles fournit spontanément aux plantes la silice, le sel de potasse et les phosphates dont elles ont besoin pour se développer ; s’il contenait en outre une matière azotée décomposable dans l’acte de la végétation, l’addition d’engrais serait presque superflue. Or le lupin arrivé à maturité est précisément riche en élémens azotés ; il suffit donc de l’arracher et de l’enfouir pour compléter l’engrais naturel du terrain. Cette opération, très en vogue aux Açores, se trouve ainsi rationnellement expliquée et justifiée. L’addition du fumier ou d’autres engrais ne fait, bien entendu, qu’augmenter les facultés productives du sol ; mais, lors même qu’on n’ajoute aucune de ces substances fertilisantes, la fécondité de la terre est telle que sans assolement, sans repos, sans autre amendement que les tiges de lupin enfouies, elle donne généralement deux récoltes par an. Les melons, les concombres, les potirons et les autres fruits de la famille des cucurbitacées, qui ne réussissent en France qu’à grand renfort de fumier, prospèrent aux Açores sans fumure spéciale. En