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grandes dimensions, hante les bas-fonds situés assez loin des îles. Les pêcheurs de San-Miguel n’entreprennent la poursuite de ce poisson que durant la belle saison et par un temps très sûr ; d’après M. Morelet, on le rencontre également au large, sous les vieux bois couverts d’anatifs et de balanes qui flottent à la surface de l’Océan.

Beaucoup de poissons n’apparaissent que dans certaines saisons, et arrivent alors parfois en bandes innombrables. Une des plus belles parmi ces espèces voyageuses est la bonite. Ces scombres se montrent par milliers au commencement de l’automne ; devant eux fuient des troupes de chicharros (caranx trachurus) au ventre argenté, au dos d’un vert d’émeraude, qui frétillent près de la surface de l’eau. Durant les temps calmes, quand une brise à peine sensible fait avancer lentement la barque sur laquelle on navigue entre les îles, on est souvent escorté pendant des jours entiers par des bataillons de bonites, qui s’allongent près de l’arrière du bateau, et font miroiter au soleil la nacre de leurs écailles. Autrefois la bonite affluait en si grande quantité dans les eaux des Açores qu’on la vendait à raison de 10 ou 15 centimes la pièce sur le marché de Ponta-Delgada. Dans certaines années, la pêche de ce poisson a même été tellement abondante que les agriculteurs l’ont employé comme engrais ; mais depuis quelque temps déjà le passage s’en est ralenti, et les gens du pays, naturellement enclins à la superstition, n’ont pas manqué d’y voir une punition divine du criminel abus dont les cultivateurs s’étaient rendus coupables.

Le thon, assez commun, est peu estimé comme aliment ; il ne figure que sur la table des pauvres. Il se pêche avec des lignes très longues munies de forts hameçons ; on le prend aussi à l’aide du harpon. Les pêcheurs açoriens se servent fort habilement de cet instrument, c’est pourquoi parmi les hommes de l’équipage des baleiniers américains il est rare qu’on ne voie pas figurer quelque harponneur indigène. La pêche du cachalot occupait naguère un grand nombre de navires américains fins voiliers, qui pendant l’été sillonnaient les parages maritimes des Açores. La poursuite acharnée exercée contre ces cétacés en a considérablement réduit le nombre, ou au moins elle les a tellement dispersés qu’elle est devenue beaucoup moins fructueuse. Par suite, cette industrie s’est notablement ralentie ; le nombre des navires qui la pratiquent diminue chaque année. D’autres cétacés, particulièrement le marsouin commun, sont encore en butte aux coups meurtriers du harpon. Le marsouin est assez fréquent dans les eaux des Açores ; dans les diverses traversées que j’ai faites entre le Portugal et San-Miguel, j’ai eu chaque fois l’occasion d’en voir des troupeaux bondissant et se jouant autour du bateau à vapeur. Morelet signale encore un autre cétacé commun aux environs des Açores du mois